Avant d'exploser quelques années plus tard avec notamment Les Valseuses , Patrick Dewaere avait déjà joué dans de nombreux films avec des petits rôles dans Paris Brule t-il ?, Themroc, Les Mariés de l'An Deux et ce curieux Au Long de Rivière Fango à l'esprit ouvertement libertaire et baba cool. Un film un peu oublié qui porte en lui toute la fraîcheur idéologique un peu naïve d'une France post soixante-huitarde découvrant la libération des mœurs et les grand mouvements beatniks des communautés faisant pousser des chèvres dans le Larzac.
Le film réalisé par Sotha (Co fondatrice du Café de la Gare) raconte donc l'histoire d'une petite communauté qui vit hors du temps et du monde moderne sans contraintes de travail, d'argent, ni d'obligations particulières. Une vie qui s'articule autour de petit artisanat, d'amour, d'agriculture, de chasse, pêche, nature et tradition. L'arrivée de deux jeunes cavaliers bien trop blonds va bouleverser un petit peu la communauté avec l'apparition d'idées plus ancré dans une vie traditionnelle et capitaliste.
Au Long de rivière Fango est un film original et limite expérimentale sur lequel souffle la même liberté et les mêmes idéaux contestataires que ceux de la petite communauté qu'elle met en images. Le film entièrement tourné en lumières naturelles et en prise de son direct semble avoir été fait loin de toutes les traditionnelles contraintes d'un tournage. Il en découle une forme de fraîcheur avec des comédiens et comédiennes qui semblent souvent improviser , une très belle lumière naturaliste mais aussi des prises de son chaotiques avec des bruitages externes et parasites qui viennent parfois couvrir les dialogues avec notamment le bruit de la fameuse rivière qui semble accompagner tout le film. Tourné en Corse avec une petite troupe de comédiens et amis sans se soucier du moindre plan de travail Au long de rivière Fango impose sa liberté hippie jusque dans sa construction et sa mise en scène. Le film de Sotha nous transporte dans une bulle d'oxygène qui ne sera jamais située ni dans le temps , ni dans l'espace à l'image des dialogues du film à la fois moderne et ancré dans une forme moyenâgeuse de vieux français inventé comme pour le titre du film qui oublie le La de Rivière Fango. Côté casting on retrouve sans surprise des comédiens passés par le Café de la gare comme Rufus, Romain Bouteille , Philippe Manesse (dans un tout petit rôle), Patrick Dewaere dans un rôle secondaire mais aussi Emmanuelle Riva, la délicieuse et juvénile Christine Dejoux ou la très belle Elisabeth Wiener dans le rôle de Robert. Miou-Miou alors enceinte de la fille de Patrick Dewaere participe à l'aventure en coulisse sans apparaitre dans le film, et pour l'anecdote sur de nombreuses pages internet concernant le film on parle de la présence de Catherine Ringer au casting (??)
Si le film reste une chronique légère et parfois plus amère des communauté hippies des années 70's il manque au film de Sotha un vrai arc narratif fort pour accrocher vraiment le spectateur. Au Long de Rivière Fango n'est pas désagréable à suivre mais c'est aussi un film dans lequel notre attention pourras souvent se dissiper et vagabonder faute de pouvoir s'impliquer plus en avant dans une histoire forte. Le film de Sotha est pourtant loin d'être idéologiquement sur un petit nuage de naïveté idyllique concernant cette communauté dans laquelle par exemple une femme qui pratique l'amour libre n'échappera pas aux jugements de valeurs . Mais surtout Sotha montrera dans un final plus sombre dans lequel la sympathique communauté commence à ressembler à une secte inquiétante que les beaux idéaux cachent aussi leur part d'ombre et de violence.
En tant que fan de Patrick Dewaere cela faisait longtemps que je voulais voir Au Long de Rivière Fango et le film me laisse sur une sensation mitigé, celle d'un ennui engourdissant et agréable comme lorsque couché dans l'herbe grasse et fraîche au bord d'une rivière on se laisse bercer par le bruit du torrent au point de s'endormir et se réveiller 105 minutes après en se disant qu'on a passé un bon moment mais que ce n'était pas des plus constructif ni enrichissant.