En 1999, alors âgé de 16 ans, Édouard Bergeon se retrouva seul avec sa mère et sa petite sœur à la tête d'une exploitation agricole après que son père se soit suicidé, victime d'un système qui broie les artisans de la terre et d'une société qui ne comprend pas les enjeux du monde agricole. Après s'être échappé de cet univers rude et ingrat pour rejoindre le journalisme et la télévision, Bergeon reviendra quelques années plus tard, derrière une caméra cette fois-ci, pour filmer la dureté de l'agriculture moderne en France. Un projet qui, pour ma part, m'a profondément touché et qui a su m'intéresser dès son annonce, étant moi-même ainsi qu'une partie de ma famille issus du domaine agricole.


En 2012, il réalisa un premier documentaire nommé « Les fils de la terre » ayant pour sujet le suicide des paysans français. Un premier projet venant tirer la sonnette d'alarme sur les difficultés rencontrées par les agriculteurs s'inscrivant dans la lignée des documentaires de Raymond Depardon : le triptyque « Profils paysans ». Sept ans plus tard, il est de retour avec son premier long-métrage : « Au nom de la terre ». Un premier long-métrage extrêmement personnel, porté sur l'émotion et le réel, traitant un sujet bien connu du réalisateur puisqu'Édouard Bergeon - également co-scénariste avec Bruno Ulmer et Emmanuel Courcol - raconte sa propre histoire... ou du moins, l'histoire de sa famille et le suicide de son père, Christian Bergeon.


Dans sa première partie, le film contextualise l'histoire. 1979, Pierre Jarjeau (Christian Bergeon) a 25 ans lorsqu'il rentre du Wyoming pour retrouver sa fiancée Claire et reprendre l'exploitation familiale en France. Dans un élan d'enthousiasme et d'optimisme, le couple s'installe à la Ferme des Grands Bois que Pierre rachète à son père. La famille s'agrandit progressivement avec la naissance de Thomas (Édouard Bergeon) et celle de sa petite sœur Emma. Travailleur appliqué à la tâche, jeune agriculteur plein d'ambition, et tout juste de retour après une formation dans une immense exploitation américaine pour y apprendre les méthodes d'élevage modernes, Pierre a la ferme intention de développer et de faire prospérer la ferme familiale.


En 1996, Pierre n'a toujours pas terminé de rembourser l'emprunt contracté pour le rachat de l'exploitation à son paternel. Les dettes s'accumulent inextricablement à cause de la situation qui s'est dégradée pour les agriculteurs, et qui est encore pire aujourd'hui (en 2019) : le matériel et les produits phytosanitaires toujours plus onéreux à l'achat ; l'augmentation du prix des matières premières indispensables au bon fonctionnement de l'exploitation ; les lois et les normes toujours plus strictes empêchant les agriculteurs de faire leur travail correctement ; le cours des céréales, du lait et des animaux d'élevage qui diminue face à la concurrence étrangère aux procédés peu scrupuleux, impactant la rémunération du fermier ne pouvant s'y soustraire... N'ayant plus aucune trésorerie, Pierre Jarjeau se voit dans l'obligation de rencontrer son conseiller financier afin de contracter un énième prêt bancaire, il croisera également le chemin d'un représentant d'une entreprise spécialisée dans l'installation d'infrastructures agricoles affiliée à une coopérative d'élevage et d'engraissage de poulets.


Ambitieux, le fermier va duper sa banque en improvisant un projet d'agrandissement et de diversification de ses activités pour obtenir un autre emprunt conséquent. C'est alors qu'il signe un véritable pacte avec le Diable et franchit le point de non-retour, sans savoir qu'il vient de miser tout ce qu'il possédait, lui et sa famille, sur un pari très risqué. Un risque qui, malheureusement, n'affecte jamais ni les banques ni les grands groupes mais toujours le petit producteur, esseulé et impuissant. Résultat des courses pour la famille Jarjeau : un nouvel endettement sur deux ou trois décennies contre un immense hangar aux aménagements ultra-modernes où 20 000 poulets seront entassés et nourris à la chaîne par des machines. C'est le début d'une lente descente aux enfers, une descente pavée de journées de travail de plus de 12 heures, de dettes insolvables toujours plus nombreuses, d'un acharnement à la tâche irraisonnable et d'une tourmente indémêlable qui épuisera l'agriculteur jusqu'à un profond malêtre, jusqu'à la folie, jusqu'au suicide... jusqu'à la destruction de la cellule familiale pourtant si joviale et unie en début d'histoire.


Le métrage se montre d'une grande honnêteté, d'une sincérité effrayante tant le portrait qui est dressé est peu rassurant, presque fataliste. Le réalisateur nous raconte une histoire qu'il connaît, malheureusement, sur le bout des doigts à travers cette reconstitution du contexte agricole de l'époque quand, dans les années 1980, l'agriculture française s'est vue obligée de suivre le même chemin que les autres secteurs d'activité : l’industrialisation. Un mode de production totalement irraisonné basé sur la production de masse, la surconsommation et la recherche du prix le plus bas possible pour des consommateurs ignorant que leurs actes d'achat ont des conséquences économiques, politiques et écologiques. À partir de ce moment précis, les agriculteurs français ont cessés d'être de petits producteurs locaux respectueux de leurs terres pour devenir les vaches à lait d'un système global inéluctable - basé sur le modèle économique capitaliste libéral nord-américain -, les dindons de la farce européenne, les victimes de la mondialisation. « Au nom de la terre » parvient à faire ressentir au spectateur à quel point les paysans sont piégés par ce système qui ne leur propose qu'une seule solution pour sortir la tête de l'eau : travailler encore plus, s'agrandir, produire toujours plus, s'endetter, s'épuiser... sans aucune garantie que ce labeur paiera un jour.


Les personnages, véritables allégories du monde agricole, sont rapidement rattrapés par la réalité après un bref moment de bonheur champêtre. Ils se retrouvent totalement dépassés par les évènements, coincés dans l'engrenage vicieux d'une mécanique à grande échelle qui leur échappe. Nous avons d'un côté, Pierre, figure du paysan orgueilleux et fier qui ne demandera jamais de l'aide à quiconque, et encore moins à son géniteur qui, pourtant, pourrait alléger les remboursements mensuels de son fils et lui donner un coup de pouce financier ; et puis de l'autre côté, il y a Jacques Jarjeau, le grand-père, le paysan de la vieille école qui ne semble pas comprendre les difficultés auxquelles son fils se confronte car il s'est arrêté avant que tout ne devienne compliqué et en est resté à son époque, où il suffisait de travailler dur pour vivre décemment. Face à cette confrontation, face à cette dualité de l'approche agricole, nous avons Thomas, le petit-fils, qui après avoir passé toute sa vie dans la ferme et après avoir régulièrement aidé aux champs ne conçoit aucun autre avenir que de reprendre l'affaire familiale. Il envisage d'étudier pour devenir ingénieur agronome et peut-être réussir à éviter les embûches semées sur le chemin de la nouvelle génération d'exploitants agricoles. Un jeune garçon optimiste, plein d'espoir et de rêves qui rappelle étrangement l'enthousiasme porté par son paternel à son retour en France, 17 ans auparavant. Comme si un destin inéluctable, un cycle infini, venait systématiquement briser les rêves de la jeunesse et imposer la tristesse et la dureté de la réalité, gravée en lettres de feu dans le cœur de tout paysan.


Ce sera donc un choc pour Thomas Jarjeau, comme pour le spectateur, lorsque son père lui dira de ne surtout pas prendre la succession de la Ferme des Grands Bois et de ne pas « mener la même vie de con que lui »... c'est alors que l'on prend réellement conscience de la difficulté de mener cette vie-là, une vie de labeur qui n'est jamais récompensée financièrement ni même considérée par les autres individus faisant partie de notre société ou nos dirigeants, qui sont pourtant bien contents d'avoir à boire et à manger. Un appel à l'aide, un message de détresse qui fait écho à ce que mon propre père peut me dire parfois - de ne pas reprendre l'affaire familiale et de chercher du travail en dehors des terres - et à ce que le père de mon père pouvait déjà lui dire à son époque. Pour en revenir à notre histoire, les trois hommes constituant la famille Jarjeau forment un portrait touchant et honnête qui dévoile les hauts et les bas de la vie en milieu rural. Un portrait qui colle toujours à l'actualité, mettant en perspective les différends et le fossé socio-culturel qui opposent trois générations d'agriculteurs dans un monde qui évolue beaucoup trop vite.


Nous mettons-là le doigt sur un autre élément essentiel du film : la relation père-fils. De fait, « Au nom de la terre » développe deux choses à ce sujet. Premièrement, comme évoqué juste précédemment, l'œuvre d'Édouard Bergeon dévoile la fragilité de cette relation lorsqu'elle est soumise aux changements d'époque. Comme tout dans notre société, l'agriculture a énormément évolué depuis 40 ans et beaucoup de choses ne sont plus comme avant : les méthodes ne sont plus les mêmes, le matériel est différent, plus moderne et désormais omniprésent dans toutes les étapes de la production agricole. Le métier en soi n'est plus le même lui non plus, ce qui vient inéluctablement diviser les différentes générations quant à leur approche et leur vision du travail de la terre. Ensuite, la question que vient soulever le long-métrage est la suivante : un fils doit-il suivre la même voie que son père ? Si cette notion peut sembler floue ou ridicule pour des urbains aux emplois imaginaires guidé par un mode de vie dicté par le consumérisme et le matérialisme, elle n'échappera pas aux enfants d'agriculteurs ou d'artisans qui, eux, ont grandi dans un environnement plus terre-à-terre, découvrant le travail sous son aspect le plus utilitaire et le plus traditionnel. Il s'agit alors de faire quelque chose qui soit utile, de faire quelque chose que l'on aime, d'hériter d'un patrimoine construit par ses aïeux, un héritage que l'on va façonner à son image dans le plus grand respect de la tradition, que l'on va entretenir et que l'on transmettra à son tour à sa descendance.


« Au nom de la terre » vient donc mettre cette interrogation sur le tapis à travers le triptyque générationnel de la famille Jarjeau. Le grand-père, Jacques, aimerait que son fils suive le même chemin que lui a emprunté durant sa carrière, quant à lui, le père souhaiterait que son enfant se choisisse un autre avenir malgré son intérêt porté à la tradition familiale. Finalement, chacun fait ses propres choix, des choix qui sont conditionnés par l'inextricable facteur de l'individu mais qui s'inscrivent tout de même dans cette dimension traditionnelle puisque chacun pense qu'il fera mieux que le précédent. Pierre aurait-il dû écouter son père ? Thomas a-t-il raison de vouloir reprendre la Ferme des Grands Bois ? Est-ce qu'un diplôme en ingénierie agronomique lui sera suffisant pour s'armer face aux nouvelles difficultés de la profession ? Autant de questions qu'il est bon de se poser pour comprendre les enjeux qui régissent l'agriculture moderne et la cellule familiale au sein du monde paysan, ainsi que pour appréhender la psychologie de chaque personnage - qui, rappelons-le, sont de vraies personnes. J'ignore s'il y a eu influence ou non, cependant, le thème traité par Édouard Bergeon me rappelle quelque peu le travail du cinéaste américain James Gray qui aura consacré sa carrière à mettre en scène la thématique familiale sous différentes formes et à questionner la relation père-fils, notamment dans ses deux derniers films : « The Lost City of Z » et « Ad Astra ».


Ici, seuls les personnages féminins sont en retrait vis-à-vis de la problématique agricole et familiale, elles ne participent pas directement à la vie de la ferme, faisant implicitement le point sur un fait purement historique : la terre est un métier d'hommes, qui se transmet de père en fils. Aujourd'hui, les femmes sont présentes dans l'agriculture mais demeurent peu nombreuses et résultent d'un phénomène très récent... les tâches ingrates et physiquement éprouvantes étant traditionnellement réservées aux hommes tandis que femmes et enfants s'attelaient à la vie de la maison, une époque où l'on vivait de la terre et où il fallait diviser les tâches. Ici, la fille, Emma est trop jeune pour être impliquée dans la dimension agricole, elle servira alors à étoffer le contexte familial et à démontrer les effets destructeurs d'un père malade sur sa famille, et notamment sur ses enfants. La mère, Claire Jarjeau, a également son importance, elle est le ciment qui permet à cette famille de tenir debout, elle incarne l'image d'un ménage uni avec des valeurs saines. Elle représente une forme d'équilibre, d'harmonie, ayant davantage de recul sur la situation de par son travail de comptable à temps partiel dans une petite ville de la région. C'est elle qui va tenter de faire vivre les siens avec son petit salaire quand son mari ne sera plus capable de travailler. Elle essaiera de les guider vers des objectifs qui soient réalistes, en opposition avec l'ambition et la fierté de Pierre qui l'empêchent d'être réfléchi et raisonnable dans ses actions.


Édouard Bergeon nous livre un tout premier long-métrage d'une sincérité déconcertante. Si la réalisation reste sobre, sans déborder d’idées innovantes, elle prend le parti de l'utra-réalisme. Fonctionnelle, elle met en scène le réel et témoigne de l'émotion des personnages. Le style naturaliste rappelle l'aspect documentaire auquel Bergeon a consacré ses débuts de réalisateur. Avec Éric Dumont à la photographie, il réussit à retranscrire la beauté des paysages agrestes français - au travers de plans larges fixes, très descriptifs -, au même titre que le charme fragile des scènes d'intérieur, venant cristalliser la réalité de la vie agricole. Des plans qui imposent la splendeur naturelle de nos campagnes et qui s'opposent à l'effervescence artificielle des zones urbaines : ici, tout semble calme, tout est authentique, même les immenses tracteurs et moissonneuses paraissent comme de petits détails en mouvement faisant partie intégrante du paysage agricole. Le film vient mettre en évidence combien la terre est belle, et comment les Hommes qui la travaillent l'aiment. Plus loin que la tradition familiale, plus loin que l'attachement au patrimoine, ce qui caractérise le monde paysan est l'amour porté à la terre, à sa beauté, à sa force naturelle et inextricable. L'amour de la terre est au centre du film, tout comme l'amour familial réunissant chacun des Jarjeau autour d'un repas. Pourtant, en s'enfonçant progressivement dans l'engrenage du système, en passant du petit agriculteur à l'entrepreneur ambitieux, Pierre commence à perdre ce qui faisait de lui un vrai paysan : le respect... le respect de soi, le respect des autres, mais aussi celui de la terre, le respect de la Nature. On revoit alors cette séquence où l'éleveur, dans son hangar, attrape les chevreaux destinés à être vendus et, tout en les comptant, les balance littéralement de mains en mains jusqu'au camion.


Les acteurs portent véritablement l'engagement émotionnel du récit à travers leur performance propre. Si parfois l'histoire aurait pu en dévoiler davantage, la faute à une implication probablement trop importante de la part du réalisateur - qui raconte sa propre vie -, le jeu des comédiens vient heureusement consolider l'aspect dramatique. Le destin de Pierre Jarjeau est tout tracé et l'on devine rapidement ce que l'avenir lui réserve, pourtant on aurait souhaité ressentir davantage l'acharnement désespéré du paysan avant de constater les conséquences de ce surmenage aux conséquences lourdes. Ce qui paraît évident pour Bergeon, comme pour les individus issus du milieu, ne le sera pas pour le spectateur lambda vivant en zone urbaine qui aura plus de mal à cerner les enjeux et les difficultés quotidiennes des paysans. Guillaume Canet, lui-même originaire du monde agricole, s'investit grandement dans ce rôle qui lui tient à cœur et parvient à transmettre la désespérance de son personnage et la décrépitude de son esprit brisé, passant d'un optimisme véhément à la léthargie la plus totale et atteignant une telle indigence psychologique qu'il devient inapte au travail. Rufus incarne le portrait d'un vieil et âpre agriculteur suintant de réalisme. Il est rude, aigri par une vie de labeur, il est dur avec son fils qui est pourtant travailleur, il ne lui cédera pas la place aisément et ne lui fera aucun cadeau... jusqu'à ce que l'état de santé de son successeur ne devienne critique et le dévaste tant il est désemparé par la tristesse d'une telle vision. Anthony Bajon est alors révélé par le métrage en tant que comédien avec sa saisissante prestation de futur jeune exploitant agricole. Malgré si silhouette massive, archétype du paysan trapu, la sensibilité de son visage campe la détresse d'un enfant spectateur de la déchéance de son paternel, jusqu'à ce que ce dernier ne vienne mourir dans ses bras. Samir Guesmi joue merveilleusement bien le rôle de l'employé serviable et obligeant au travers de ses courtes mais attendrissantes apparitions. Et dans le rôle de l'impérissable mère et de l'épouse forte, la flamande Veerle Beatens concentre toute l'intensité dramatique de cette sombre histoire.


Pour un premier long-métrage, en dépit de quelques petits détails dommageables, Édouard Bergeron frappe un grand coup avec ce projet d'une grande acuité émotionnelle qui aura probablement plus d'impact que ses premiers documentaires. Le fait d'être profondément impliqué dans le récit et d'être issu du monde agricole aura, probablement, fait perdre au réalisateur un peu de la prise de recul nécessaire pour construire une œuvre qui soit fondamentalement universelle, qui soit accessible et à la portée de tous. Magnifique drame familial criant de réalisme et imprégné de vérité, « Au nom de la terre » ne sera pas parvenu à toucher tout le monde. Si l'œuvre a provoqué une incroyable affluence dans les salles de province, elle a été boudée par les spectateurs de la métropole parisienne et des principales grandes villes. Déni ? Fuite de la réalité ou simple désintérêt vis-à-vis de ce qui ne les concerne pas (directement) ? Beaucoup sont passés à côté de ce qui constitue l'essence du long-métrage. À l'heure où la prise de conscience des consommateurs se heurte au système régi par les géants de l'agroalimentaire ; à l'heure où l'industrialisation massive de l'Occident détruit tout ce qu'elle touche à coups de méthodes peu scrupuleuses afin de répondre à la surconsommation croissante ; à l'heure où il est nécessaire de modifier nos modes de vie et nos habitudes de consommation pour espérer que nos enfants aient un avenir... on aurait pu croire que les urbains, et notamment les spectateurs de la capitale, se précipiteraient en salles pour aller voir ce que, finalement, ils connaissent le moins (la campagne, la Nature) et pour constater qu'ils sont les premiers concernés par la problématique agricole (la surconsommation et la pollution sont des problèmes majoritairement causés par l'urbanisation)... la vérité est immuable, aussi dure à accepter soit-elle.


Sans être militant, ni moralisateur, et encore moins tire-larmes - c'est une histoire vraie -, « Au nom de la terre » dresse simplement le portrait alarmant de la réalité dans le milieu agricole. Il fixe l'émotion et le beau dans le réel à travers un naturalisme assumé et criant de vérité. Parfois, le réel s'impose et dépasse la fiction, emprisonnant le spectateur dans le malaise d'être confronté à l'inéluctable véracité qui se manifeste sans prévenir à plusieurs reprises : l'usage des authentiques agendas sur lesquels la mère d'Édouard Bergeon exprimait sa détresse ; le père se suicidant en ingérant ses propres produits phytosanitaires, symboles de son carcan personnel et professionnel ; la superposition inattendue de la tombe de Pierre Jarjeau avec celle de Christian Bergeon ; la touchante apparition du père avant le générique dans des images festives filmées en Super 8... Le métrage remplit parfaitement son rôle d'œuvre, au-delà de l'aspect narratif ou technique, il apporte un regard éclairé sur de nombreuses thématiques liées à son sujet. Édouard Bergeron ne fait pas que raconter son histoire et celle de son père. Il nous propose un film sur l'amour, un film sur la famille, un film sur la vie. Il décrit lui-même son long-métrage comme étant « une saga familiale qui porte un point de vue humain sur l'évolution du monde agricole de ces 40 dernières années ». Il dévoile ô combien la terre est belle, il nous rappelle que la France est historiquement un pays d'agriculture et d'artisanat - d'où son surnom de « grenier de l'Europe » -, que nos campagnes sont des sites aussi sensibles que charmants qu'ils faut à tous prix protéger. Il nous rappelle que nous sommes tous responsables, de par notre mode de vie, du tournant que prend la situation. Respectons la terre et les Hommes qui la travaillent. Valorisons nos savoir-faire et nos artisans. Cessons cette frénésie consumériste importée d'outre-Atlantique et recentrons-nous sur l'essentiel. Sauvons nos paysans ! Sauvons la France !

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le 22 nov. 2019

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