Déshumanisation

Jeff Lieberman est l'un de ces cinéastes que nous pourrions qualifier de "petits maîtres" de l'horreur. Il n'est en effet à l'origine d'aucun chef d'oeuvre du genre mais a toutefois réussi à s'imposer dans le domaine de la série B de qualité.

Le cinéaste nous a offert au total 5 long-métrage en terminant pour l'instant sa carrière en 2005 avec Au Service de Satan. Ses films les plus intéressants restant pour moi Blue Sunshine ainsi que Squirm (considéré ironiquement par son auteur comme "Le meilleur film de vers tueurs) que je vous invite à découvrir sans plus tarder. Il travaillera également pour le domaine du petit écran et scénarisera l'étrangeté absolue qu'est L'Histoire sans Fin 3.

Concernant Au Service de Satan, il est question d’un jeune enfant naïf se retrouvant à aider sans s’en rendre compte un tueur en série qu’il prend pour Satan. Les acteurs sont assez convaincant dans l'ensemble (Amanda Plummer en tête). Même l'acteur du jeune garçon, malgré un personnage parfois irritant, joue correctement à l'écran. L'acteur jouant Satan est également très juste dans sa façon de travailler sa gestuelle. Le reste du casting est assez inintéressant mais ne joue jamais fondamentalement mal. Les effets spéciaux sont à l'ancienne, ils ne révolutionnent rien mais suffisent à convaincre. L'humour est bien géré et se veut satirique (selon les propos même du réalisateur).

Le film est une série B relativement classique mais elle comporte son lot de particularités. D'habitude le genre du "Slasher Movie" place des adolescents face à un croque-mitaine, un homme caché derrière son masque. Nous pourrions citer Halloween de John Carpenter et son Michael Myers en référence principale de Lieberman dans le cas présent. Son film se déroule d'ailleurs durant la fête d'Halloween. Le cinéaste ayant déjà eu l'occasion de rencontrer Carpenter, il expliquera que si il avait du réaliser Halloween à la place de Big John il aurait fait ça d'une toute autre façon (il précise qu'il trouve tout de même le métrage de 1978 excellent). Et si Au Service de Satan était "son" Halooween? Et bien je le pense bien.

Sans atteindre le prestige d'un Carpenter, Jeff Lieberman propose un film solide qui reçu pourtant des critiques très dure lors de sa sortie en 2005. Certains passages laisse en effet à sourire et peuvent parfois sembler trop classique mais le cinéaste ne cache nullement ses influences !
Il continue sur la voie emprunté par ses prédécesseurs concernant la déshumanisation du monstre. Cependant il y a une différence notable et non des moindres. Dans la plupart des films du genre le visage du tueurs sera dévoilé à un moment ou a un autre. Ici il n'en est rien.
Satan (appelons le ainsi) ne parlera jamais et n'enlèvera jamais son masque. Cela contribue réellement à rendre ce personnage de plus en plus irréel tant il joue le rôle que l'enfant lui donne. Le film bascule quelque-part dans le fantastique à mon sens car même si nous savons qu'il y a un homme dans le costume notre esprit le déshumanisera de plus en plus au fur et à mesure du film. De plus Lieberman décide d'apparenter son monstre à Satan, figure démoniaque connue de tous, cela contribue à mystifier cet être. J'ai revu plusieurs fois Au Service de Satan et chaque visionnage me laisse assez étonné de la façon dont le réalisateur à réussi à traiter son croque-mitaine qui justifie à mon sens le visionnage du film.

Le passage avec le masque de Jésus (les personnes ayant vu le film le comprendront) justifie encore une fois à donner cet aspect irréel et mystique autour du croque-mitaine. Le cinéaste réussi ici parfaitement à mystifier son personnage au point de nous faire douter de sa propre nature humaine.

Nous ne sommes pas face à un grand film mais à une série B non sans petits défauts mais cependant honnête réalisée avec talent. Lieberman, en tout bon acteur du cinéma bis qu’il est, ironisera en expliquant que selon lui un réalisateur est censé tout savoir de ce que doit effectuer son équipe sur un plateau de tournage. Il a donc dû expliquer à ses comédiens la marche à suivre afin « d’étriper » quelqu’un. Sans être très innovant, Jeff Lieberman se taillera une réputation de maître de l’horreur malgré sa courte filmographie.

Je vous encourage grandement à découvrir ce petit film, si ce n'est déjà fait, qui mérite à mon sens un regard respectueux pour ce qu'il a réussi à accomplir avec un genre pourtant en plein essoufflement.