Voici LE film qui m'a fait aimer le cinéma et pourtant je ne l'ai jamais vu au cinéma, ce n'est pourtant pas faute d'avoir essayé.


Très tôt, j'ai été autorisée à voir la première partie et puis après, il fallait aller se coucher.
Les décors, les costumes, le drame sous-jacent puis révélé, les rebondissements, m'ont collée à mon fauteuil et c'est toujours le cas. A chaque fois que je le revois (assez régulièrement, j'ai arrêté de compter à 50, et en entier maintenant que je suis grande), l'effet est immédiat, je suis captivée et pourtant je récite le texte en même temps.


L'histoire de Scarlett, de Mélanie, de Rhett, de Mama, de Ashley et des autres est gravée dans mon subconscient depuis mes plus jeunes années.


Mais la seule nostalgie ne met pas ce film au pinacle pour moi.
Il est un exemple parfait de tout ce qui est bien, beau et bon dans le cinéma : un scénario passionnant, des héros complexes mais attachants, des rebondissements, une réalisation soignée voire inspirée par moment, un casting impeccable, une musique parfaite, bref je n'ai pas peur de crier au chef d'oeuvre.


Victor Fleming, débarqué sur le film en catastrophe, adopte un ton résolument masculin pour raconter cette histoire de femme (contrairement à Cukor, que j'adore de plein droit, mais résolument plus doux dans son approche). Il filme Scarlett comme ses héros de film de guerre ou de Western, sans compromis et sans excuses : c'est une garce, elle le sait, tout le monde le sait et c'est pour ça qu'on l'aime. Foin d'héroïne mièvre et sirupeuse, Scarlett détone dans un monde de biches, Scarlett est une tigresse.
Elle est magistralement interprétée par Vivien Leigh, belle et piquante, elle apporte toute son instabilité et son talent à Scarlett, héroïne multi-facettes.
Autre figure féminine prépondérante du film, Olivia de Havilland qui campe brillamment une Mélanie toute de douceur mais d'une force phénoménale. Elle s'est notoirement battue pour avoir ce rôle et elle a bien fait, il lui va comme un gant. Elle parvient à se rendre quelconque mais son duo avec Scarlett et Vivien Leigh est de toute beauté : un équilibre fragile et impeccable entre bonté et égoïsme sans que l'une soit fade et l'autre haïssable.
Troisième figure féminine du film, Hattie McDaniel dans le rôle de Mama, esclave à la parole libre, récompensée très justement par un oscar, elle est un point d'ancrage primordial du film.
Il y a également le personnage de Belle Whatling, prostituée au grand coeur et de grande classe, peu présente mais qui renforce la fibre féminine du film.
Petite parenthèse : ceux qui écrivent les héroïnes d'aujourd'hui, "modernes" et "fortes" devrait regarder du côté de Scarlett, Mélanie et Mama un peu!


Il ne faut pas oublier de citer David O Selznik, omniprésent et omnipotent producteur qui laisse sa patte sur chaque image et chaque choix. C'est son film bien plus que celui de Fleming mais ce dernier apporte son savoir-faire indéniable et l'esprit reste celui du producteur.


Côté messieurs, on a du très lourd également aussi bien en complexité qu'en interprétation.
Le héros, c'est bien sûr Rhett Butler, fantasme masculin sur pied, le gentil vaurien des gentils vauriens. Gable lui donne tout son charme et son charisme ainsi qu'une belle vulnérabilité.
Face à Butler, nous avons Ashley Wilkes, l'amibe de toutes les amibes! Je hais Ashley pour sa mollesse, sa faiblesse, sa mièvrerie et son indécision. Ce type est un pignouf et donc il est fascinant. Il a l'air parfait sur le papier et c'est un gros nul en fin de compte. Leslie Howard, excellent acteur d'une grande finesse, lui donne relief et vide avec nonchalance (son choix de ne pas lire le livre, de ne rien savoir du contexte de ses scènes, à jouer en sa faveur sur ce coup là).


Le film est également un très belle réussite technique aussi bien au niveau des décors, l'utilisation des mat-paintings, la photographie, le choix des gammes chromatiques inhabituelles, et la scène de l'incendie d'Atlanta, mythique à juste titre.


L'adaptation du roman fait certes des coupes sombres. Le film fait déjà 4heures moins 2 minutes et ils ont coupé les 2 tiers du bouquin! Mais ces coupes sont nécessaires et l'essence des personnages n'en est pas altérée. Et Autant en Emporte le Vent est une affaire de personnages plus que d'évènements.


D'autre part, Autant en Emporte le Vent ce n'est pas seulement le film lui même, c'est aussi l'aventure qu'a été sa création. Cette aventure, cette exaltation se sent dans chaque scène. Il y a une électricité sur la pellicule qui se voit.


Je sais que le sujet du Sud esclavagiste et la façon dont il est présenté soulève depuis quelques années des questions quant à ce film. "C'est un film raciste! Regardez les acteurs noirs sont contents de jouer des esclaves contents d'être esclaves!' Je lis et j'entends que ce film est une apologie d'un système dégueulasse.


Alors ...


Le système social et économique de la Confédération est une abomination, nous sommes tous d'accord.
Mais le film est l'adaptation d'un roman écrit par une femme du sud, élevée dans les ruines laissées par la guerre dans un état de décrépitude déprimant. Le temps d'avant la guerre en est donc idéalisé. Pas l'esclavage, juste ce qui était AVANT. Le "c'était mieux avant" (même si c'est rarement vrai) ça ne date pas d'hier.
Bref, il faut prendre le livre et le film pour ce qu'ils sont, l'histoire d'une femme prise dans la tourmente de la fin d'un monde (que ce monde soit défendable ou pas). Le sud et sa civilisation ne sont qu'une toile de fond pour Scarlett et les autres.
Bref tout ça pour dire, il faut arrêter de faire de AEELV un film raciste et une apologie du Sud.
Que les esclaves au début du film ne soient pas battus comme plâtre ou violés tous les jours ne rend pas le système moins infâme et injuste. Ne pas mettre des gros froncements de sourcils désapprobateurs sur l'écran ne veut pas dire que c'est bien et que tout le monde est d'accord, c'est juste une représentation d'une époque.
Mettre à l'écran une enfant de 8 ans qui évente des donzelles en corset l'après midi (que l'enfant soit noire ou pas d'ailleurs) ne veux pas dire que la personne qui filme ça trouve que c'est normal mais qu'à l'époque c'était quelque chose qui se produisait!


En tout cas, cela n'enlève rien au film et à ses qualités. Il est juste ce qu'il est.


Certes aujourd'hui le sujet serait traité différemment mais ce n'est pas un film fait aujourd'hui donc .... Je tremble à l'idée d'un possible remake d'ailleurs ... Mais c'est un autre sujet.


Ce film est n° 6 dans mon top 10,
Je l'aime et l'affiche qui a longtemps été sur le mur de ma chambre trône désormais fièrement sur le mur de mon dressing.


Le revoir est un plaisir toujours renouvelé.

Anilegna
10

Créée

le 1 févr. 2018

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Anilegna

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