La mégère apprivoisée.
Avec sa flopée d'Oscars, son couple vedette mythique, son Technicolor rutilant, sa reconstitution qui envoie du bois, sa durée digne d'un feuilleton de l'été, "Autant en emporte le vent" est...
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le 20 août 2014
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Pfiou, par où commencer avec ce film tout simplement monumental ? Que j’ai beaucoup aimé, et pour être honnête bien plus que ce à quoi je m’attendais, d’autant plus qu’étonnamment, j’ai réussi à éviter à me spoiler sur toute l’histoire. Je savais que le côté immense fresque historique et monument du cinéma me ferait de l’œil, mais c’est le cas de nombreux vieux films et ils ne me transcendent pas tous forcément. Mais là, je dois admettre que je suis arrivé au bout des presque 4h de film, et j’étais juste sur le cul. Alors je préviens, y’a du spoiler, mais vu que le film a pratiquement 80 ans, je vais considérer qu’il y a prescription.
Ce film est tout simplement sublime parce que son histoire est passionnante mais surtout, et c’est un truc rare sur une telle longueur, ne souffre pratiquement d’aucune longueur. Alors oui, le rythme du film propre aux années 30 peut parfois le faire paraître lent, mais ce ne sont pas des longueurs. Chaque scène a un rôle bien précis et nécessaire pour la suite de l’intrigue, et si elles n’ont bien sûr pas tout le même attrait, je ne me suis jamais ennuyé. Que ce soit pendant la première partie avec le mariage de Melanie, la vie à Atlanta pendant la guerre de Sécession, la fuite, le retour à Tara, la vie après la guerre, la période du mariage entre Scarlett et Rhett, quand ça commence à battre de l’aile, ou bien la fin. On est tout simplement happé et on ne sort plus du film jusqu’à son final terriblement poignant.
Alors certes, comme je m’y attendais, la fresque historique est tout simplement dingue de par son ambition et la grandeur avec laquelle elle a été reconstituée. Les détails mais surtout la vie à l’époque, on est plongé au cours de la Géorgie de cette période, et même si on connait les grandes lignes, on découvre de nouveaux détails ici et là, quand on n’est pas frappé par l’amplitude des évènements, au point de nous en donner des frissons quand on prend finalement conscience des enjeux qui se jouent. Cet aspect sera surtout dans la première partie, puisque la seconde positionnera le contexte historique un peu plus au second plan tout en le mettant en avant par le développement du personnage de Scarlett.
Un des exemples les plus intéressants sera le personnage Ashley, qui n’est certes pas franchement intéressant et un peu mollasson par moment, mais qui de toute évidence est un personnage pas écrit dans son temps, car de nos jours il aurait été clairement affilié à un sérieux stress post-traumatique. Ou encore les personnages de Mamma, qui de son côté est tout simplement extraordinaire comme personnage, Pork ou Prissy dont les rôles illustrent parfaitement la situation des Noirs aux US, que ce soit à l’époque de la Guerre de Sécession et de la Reconstruction mais aussi pendant les années 30. Et il devient très difficile de distinguer ce qui est historique de ce qui ne l’est pas.
Du coup, cela m’amène au final à ce que j’ai adoré dans ce film : ses personnages. J’ai déjà parlé d’Ashley, que j’ai trouvé moyen (mais faute à une écriture pas au point sur ce genre de personnage), ou de Mamma, tout simplement géniale. Mais il y a bien sûr tout une palanqué d’autres. Il y a par exemple le Dr Meade, qui a un rôle secondaire qui paraît presque de fond de tableau, mais qui apporte toujours un petit quelque chose à chacune de ses scènes. Le père de Scarlett aussi, dont l’évolution au cours du film sera plutôt intéressante, car là aussi touchante. Il y a aussi Franck, le second époux de Scarlett, dont la relation avec celle-ci au cours du film sera plutôt bien dosée car on sent clairement qu’il a conscience des motivations de Scarlett même s’il n’est pas d’accord avec. Et c’est uniquement lorsqu’on apprend sa mort qu’on réalise à quel point il était important dans l’intrigue jusqu’à présent, et ça montre bien son rôle.
Il y a sans doute d’autres personnages secondaires que j’oublie dans le tas (comme « l’amie » de Rhett, dont j’ai oublié le nom), mais bon, mine de rien, le film est tellement riche à ce niveau et ça va déjà faire trois semaines que je l’ai vu, que je commence un peu à oublier. Mais on en arrive au trio principal.
On va commencer par Melanie, que j’ai adorée. Et c’est vraiment bizarre, parce qu’au début, elle fait un peu figure de personnage secondaire dont on se moque un peu, presque ennuyant. Mais plus on avance, plus elle prend de l’importance au point de devenir un pilier central à l’intrigue. D’abord en tant que cousine, puis en tant que rivale puis en tant que meilleure amie de Scarlett, Melanie est peut-être le personnage le plus intéressant du film parce que le mieux construit, celui au développement le plus remarquable, le plus complexe. Son rôle n’est pas facile, on aurait presque envie de lui donner des baffes par moment devant une telle naïveté, mais on réalise peu à peu que ce n’est pas de la naïveté, pas totalement. C’est simplement de l’amour, une profonde amitié, un respect total et une intelligence bien plus grande qu’on pourrait le croire.
Ce n’est peut-être pas très marquant dans la première moitié du film, mais ça devient évident très rapidement dans la seconde moitié. Que ce soit lorsqu’elle couvre Scarlett pour le meurtre du déserteur, quand elle apporte son soutien constamment à Scarlett et Rhett, ou bien quand elle finit par mourir à son tour… Et cette mort, elle est sublime, parce qu’encore une fois, ce n’est qu’à ce moment précis qu’on prend conscience de l’importance de ce personnage dans l’intrigue et pour Scarlett. Et puis, franchement, j’ai eu le doute pendant tout le film, mais je suis persuadé que Melanie sait pour Ashley et Scarlett, elle sait ce que son amie ressent, elle sait ce que Ashley ressent, elle sait ce qui s’est passé entre eux, mais comprend parfaitement ce que cela implique. Et elle comprend aussi très bien le rôle de Rhett dans tout ça. Le fait qu’elle soit toujours là pour chacun des trois est pour moi une preuve de son amitié profonde et de son intelligence. Et quand on compare avec le personnage qu’elle était au début, on en vient presque à se demander si ce n’est pas elle l’héroïne de cette histoire.
Rhett justement. Je l’ai beaucoup aimé aussi, même si c’est peut-être moins que les deux autres. Son cynisme constant, cette sorte de nonchalance permanente, en font un personnage assez classique dans le genre, mais là aussi ça va évoluer peu à peu au cours du film. Très vite, on comprend qu’il est amoureux de Scarlett (moi qui pensais avant de voir le film que c’était l’inverse), même s’il n’en a pas conscience tout de suite. Mais il comprend aussi très bien ce que ressent Scarlett, et essaye de faire avec jusqu’à ce que sa patience soit à bout. J’ai beaucoup aimé comment cette relation avec Scarlett évolue au cours du film, notamment l’évolution au sein de leur mariage et la naissance de Bonnie. C’est là qu’on découvre le vrai Rhett, celui qu’il cachait derrière son cynisme et sa nonchalance, et c’est ce qui rend la mort de Bonnie d’autant plus tragique de son côté, parce qu’on s’était attaché à lui et qu’on comprend sa peine. Et la conclusion est au final très logique selon ce développement, ce qui la rend à la fois dramatique et percutante : c’était la seule fin possible, et cela dès le départ. Et la réplique devenue culte de Rhett illustre parfaitement le changement qui a eu lieu.
Ce qui nous amène donc au personnage central, Scarlett. Et je l’ai adorée aussi. J’hésite encore de savoir de qui entre Melanie et Scarlett je préfère, car toutes deux sont des personnages très différents mais ont des qualités que j’apprécie chez les personnages féminins. Scarlett, ça va être l’exubérance, la ténacité, le courage, la passion. Et elle aussi a droit à un développement tout particulier. Alors qu’elle pourrait presque paraître comme une peste au début du film, elle va se révéler être une femme qui reste fidèle à ses convictions jusqu’au bout, qui ne lâche jamais rien et ne perd jamais espoir. Malgré tout ce qu’elle traverse, elle se relève toujours et continue d’avancer ; ce qui en fait non seulement un personnage trèèès loin d’être une amourette niaise comme je le pensais, mais au contraire un personnage inspirant. C’est plus efficace encore qu’une thérapie ou des anti-dépresseurs. On voit Scarlett, on panse nos blessures et on continue d’avancer vers ce que la vie nous réserve.
Et puis ce qui est formidable, c’est que le personnage de Scarlett illustre aussi une forme de passage dans la vie adulte. Comme je le disais, au départ du film, on peut trouver que Scarlett est une peste égoïste qui n’en fait qu’à sa tête, qui ne se soucie pas de ce que les autres peuvent ressentir ou de savoir si elle les blesse par ses actions. Presque un personnage glacial par moment, comme le montre son premier mariage avec Charles Hamilton. Et ce qui est intéressant, c’est que malgré comment le personnage évolue intérieurement durant le film, cette poursuite perpétuelle de la reconnaissance d’Ashley et cette façade glaciale resteront bien présente jusqu’à la fin du film, à la mort de Melanie. Et lors tous les deux voleront en éclats, et on découvrira alors que Scarlett est réellement capable d’aimer, qu’elle aime déjà. Que ce soit la mort de Bonnie, que ce soit son mariage perdu avec Rhett, mais surtout sa relation avec Melanie. Tout comme Scarlett, on prend conscience à quel point elle aimait son amie, sa sœur.
Et c’est là que la conclusion est magnifique, même si elle peut paraître simpliste et précipitée. Malgré tout ce qu’elle a traversé, malgré qu’elle vienne de perdre sa fille, son époux, sa meilleure amie, malgré qu’elle vienne de réaliser qu’elle poursuivait une chimère ; elle continue d’avancer, elle continue d’y croire et d’aller de l’avant. Là où Scarlett est inspirante, c’est qu’elle nous fait comprendre qu’on a tous des moments difficiles dans la vie, que parfois ça peut paraître inutile de continuer ; mais que ce dont on a besoin, c’est d’amis pour nous soutenir et d’un lieu pour nous ressourcer lorsqu’on est seul au fond du trou. Et qu’on en sortira grandi, plus confiant, plus assuré, prêt à défier n’importe quel obstacle. Scarlett est beaucoup de chose, mais elle est surtout un des personnages féminins de fiction les plus inspirants.
Du coup, j’en ai déjà dit beaucoup. Pour ce qui est du casting, je ne vais pas trop m’attarder parce qu’au final, acteurs et personnages se recoupent beaucoup et sont difficilement dissociables. Donc oui, Vivien Leigh, Clark Gable, Olivia de Havilland, Hattie McDaniel et j’en passe, sont tous extraordinaires. Même Leslie Howard apporte quelque chose avec Ashley. Et techniquement ? Ben c’est là aussi un véritable florilège. La musique devenue classique du cinéma accompagne merveilleusement bien le film, les décors sont tout simplement fabuleux, j’admire certains artifices trouvés pour les scènes à effets spéciaux, les costumes incroyables (mais combien Scarlett a-t-elle de robes ?).
Et la mise en scène est sublime, car elle donne toute l’intensité au film, elle nous y plonge et nous donne des plans incroyablement grandioses. Que ce soit les plus intimistes, les plus classiques, ou les plans larges. La découverte de Rhett, l’accouchement de Melanie, la scène où Scarlett tente de rejoindre le docteur à la gare d’Atlanta, la fuite d’Atlanta, le retour à Tara, la fin de la première partie, l’agression du déserteur, la déclaration d’amour de Rhett, le retour de Londres, la mort de Bonnie, quand Melanie vient réconforter Rhett, la mort de Melanie, la dernière scène… Et j’en oublie tellement, mais pratiquement toutes les scènes, chaque plan, est une merveille. Et la photo aussi ! Bon sang, mais qu’est-ce qu’elle est magnifique ! Que ce soit avec la saturation de certaines couleurs, les contre-jours, la lumière naturelle, celle en intérieur… C’est pratiquement magique.
Bref, Autant en emporte le vent mérite totalement son statut de monument du cinéma américain. Parce qu’il est grandiose en tout point, mais son histoire est également incroyablement riche et passionnante. Ses personnages sont incroyables, son histoire d’amour excellement bien dosé très loin de la niaiserie à laquelle je m’attendais. C’est très rare qu’un si grand classique ne me déçoive si peu, voir pas du tout, et qu’au contraire dépasse mes attentes à ce point. Certes, il a des défauts et ne pourrait sans aucun doute être refait tel quel aujourd’hui, certains aspects ne passeraient pas. Mais cela ne l’empêche pas d’être grandiose. Un classique !
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le 7 févr. 2018
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