En 1973, Orson Welles dans son film documentaire F or Fake annonce aux prémices du film que ce dernier traite de tricherie, de fraude, de mensonges... Il continue : "Racontée chez soi, dans la rue ou au cinéma, toute histoire est presque sûrement un mensonge. Mais pas celle-ci ! Tout ce que vous verrez dans l'heure qui suit est absolument vrai."
Ces quelques précisions d'Orson Welles, François Bégaudeau aurait très bien pu les énoncer à l'orée de son documentaire Autonomes dans lequel on suit Camille (déjà acteur principal de son précédent film N'importe qui tourné en Mayenne en 2016), personnage bourru qui ronge son empressement dans sa barbe rousse, se lance dans une aventure survivaliste à glaner le moindre pécule d'eau ou de chair pour se nourrir. Ce personnage central est le fil conducteur du film, celui qui tend une réalité, celle des portraits que dresse Bégaudeau illustrant des modes de vie, de production, de pensée, de croyance, de soin qui se situent en dehors des radars, à la lisière des manières certifiées conformes. De ces gens résidant pour la plupart en Mayenne, qu'on pourrait un instant supposer que le réalisateur se moque tels les êtres difformes de Freaks amusant la galerie dans un cirque, Bégaudeau mélange aussi bien le fond à la forme de son film en faisant de ce dernier un voyage où il rencontre tour à tour un magnétiseur, des sourciers, un désorceleur, des néo-ruraux ou encore des bonnes sœurs. Finalement, et il faudra se faire à l'idée, le regard de Bégaudeau est lui aussi très autonome, dans sa manière de présenter ces personnages, dans sa manière de les laisser parler, dans sa manière de penser et de présenter son film qui déroutera de nombreux spectateurs non-avertis. L'autonomie, ici pensée comme indépendance ou plutôt comme choix de dépendances, n'isole pas les individus dans des enclaves autarciques mais donne à voir à travers son propos éminemment politique, que cette forme d'existence n'est possible qu'au carrefour de celles des autres.
Mes autres critiques sont disponibles sur mon blog : Le stylo de Toto