L’intérêt que présente ce récit d’aventures au demeurant tiède, loin de la virtuosité de The Lost City of Z (James Grey, 2016) parce que dépourvu de mise en scène véritable, réside dans la complexité charnelle qui unit les deux explorateurs qui se voient, pendant plus de deux heures, raccordés aux fragilités de leur corps : les joues sont transpercées d’une lance ennemie, de même les jambes en sont meurtries ; les pieds s’écorchent aux chemins. Nul hasard si la clausule se centre sur le portrait d’argile de John, qu’il faut retoucher afin de restituer la vigueur des pommettes et de la bouche – « c’était comme ça qu’il était », entend-on. Nous ressentons là peut-être l’influence du long métrage Maurice (James Ivory, 1987) qui abordait trois ans auparavant l’homosexualité interdite de deux amis aristocratiques dans l’Angleterre du début du XXe siècle, quoiqu’elle ne soit ici que suggérée, laissée libre à l’interprétation du spectateur. Voilà pourquoi, peut-être encore, la source du Nil, à savoir le plateau du lac Victoria, relève-t-il de l’hypothétique, comme nous l’indique un panneau de texte précédant le générique.
Film sur l’échec public d’une expédition, Mountains of the Moon est aussi et surtout le film d’une réussite empêchée, condamnée à l’ombre et à l’oubli. La photographie de Roger Deakins confère aux explorations des allures de rêveries cauchemardesques que Bob Rafelson n’exploite guère par sa réalisation, assez plate et illustrative. Une curiosité.