Le terrain ô combien symbolique de la perte du sens de la vue est glissant pour un cinéaste. Naomi Kawase s’y est bien largement plantée dans son prochain Vers la lumière, et Léa Mysius (sortie de la Femis et l’une des scénaristes des Fantômes d’Ismaël) y consacre son premier long métrage.


Ava, donc, apprend à l’aube de l’été de ses 13 ans que sa vue va baisser jusqu’à l’extinction. Elle commencera par ne plus rien distinguer en basse lumière, puis deviendra aveugle ; le programme énoncé par sa mère est donc d’une simplicité cristalline : lui offrir le plus bel été de son existence.
Programme intéressant, parce qu’il se situe dans cet âge charnière où les premières maladroites de l’âge pas encore adulte cohabitent avec un adieu à l’enfance. Le rapport à une mère excessive, maladroite et incapable d’habiter la fonction, celui aux garçons, la découverte et le deuil à venir s’entremêlent donc dans une ambivalente confusion.


Il y avait là la matière d’un film entier, face aux vagues des landes et à l’étrange oisiveté des vacances hors temps, dans un lieu décroché lui-même du quotidien. Quelques séquences exploitent cette richesse, comme celle de la baignade nue et les yeux bandés de l’héroïne résolue à éprouver ses autres sens.


De la même manière, la brutalité de son rapport à sa mère, l’apprêté de son langage retranscrit dans son journal dévoile avec une certaine justesse la violence d’un âge instable et celle d’une situation tragique.
D’où les questions légitimes quant à tous les développements que va subir l’intrigue. Kidnapping d’un chien, amourette avec un gitan, Bonnie & Clyde des plages, détroussement de nudistes, fugue en roue libre, la gradation est constante et laisse plan un certain nombre d’enjeux qui méritaient d’être développés.


On finit par ne plus trop comprendre où veut en venir la cinéaste, qui transforme en thriller ce qui pouvait être une réflexion plus pudique (d’autant qu’admirablement servie par les deux comédiennes Noée Abita et Laure Calamy) sur la question. La question centrale de la perte de la vue devient ainsi un argument surtout scénaristique, le temps qui passe et la fin du jour mettant en difficulté la jeune fille pour mettre à bien ses différents plans… Cet utilitarisme galvaude considérablement les thématiques initiales et ce n’est pas le recours à des séquences clipesques en split screen (ou, pire, des cauchemars filmés) qui viendra nous réconcilier avec la tonalité générale. On saluera tout de même le bon goût de la réalisatrice qui nous épargne les plans en caméra subjective pour surligner le rétrécissement du champ de vision.


L’hybridation assumée est une chose, reste à savoir ce qu’elle donne. L’évolution du personnage, qui d’enfant devient une femme, s’épanouit corporellement et trempe son identité est une réussite. Les errances aventureuses, sur le modèle des Combattants de Thomas Caillé qui lui aussi bifurquait en cours de film, est moins convaincant.


Ces trois femmes aux commandes n’est restent pas moins clairement à suivre dans le cinéma hexagonal des prochaines années.

Sergent_Pepper
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le 30 juin 2017

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