Court-métrage à l’origine de l’excellent Jusqu’à la Garde sorti cinq ans plus tard, Avant que de tout perdre construit son drame à la manière d’un thriller où la menace est d’abord palpable mais absente, mise à distance : les motivations responsables de l’agitation générale dans le magasin demeurent opaques et poussent le spectateur à envisager différents scénarios possibles, jusqu’à la révélation, brutale, massive, inattendue. Le menace prend corps, est un corps à part entière, celui de monsieur tout-le-monde venu faire ses courses un week-end et qui cherche sa femme. Affronter Antoine lors du tête-à-tête n’est pourtant pas l’épreuve la plus éprouvante que doivent subir Miriam et ses enfants ; l’invisibilité d’un père pourtant présent à la manière d’un spectre hantant les rayons du supermarché et son parking s’avère bien plus violente. Parce qu’il veille à dissimuler le bourreau, parce qu’il retarde son apparition mais tend à le redoubler par la terreur des protagonistes, Xavier Legrand imprime dans ses images la peur sourde et constante que ressentent au quotidien les membres de la famille, cette peur paranoïaque qui jamais ne lâche prise, continue de vampiriser ses proies. Voici venir la métaphore de la chasse : la vie de Miriam, de Gaëlle et de Julien est plongée dans cette nuit du chasseur qui les persécute en pensant les aimer.
S’il fallait néanmoins émettre une objection à l’encontre de ce court-métrage d’excellente facture, elle concernerait l’excès qui prévaut dans l’exhibition des sévices endurés, les lourdeurs d’une démonstration que Jusqu’à la Garde gommera avec justesse. Un gros plan sur l’hématome de l’épouse, un fils qui annonce en plein déjeuner de cantine que le chien s’est excité lorsque son père a menacé sa mère avec un fusil de chasse. Tout cela dissone quelque peu et appuie ce que l’urgence suffisait à incarner. Reste un très grand court-métrage qui a l’audace de mettre en scène un fléau de notre société contemporaine.