Seule la flamme du cinéma...

Si l'on excepte quelques critiques constructives et modérées, j'ai surtout lu un déferlement de haines sur ce film.Preuve, au moins, qu'il ne laisse pas indifférent... Va-t-on revenir au bon vieux temps des polémiques qui accompagnaient la sortie de certains films de notre défunt Godard ? Mieux vaut échanger, même un peu vivement, sur un livre, un film, une oeuvre d'art, que de se foutre sur la gueule pour une place de parking.

A condition de l'avoir vu, le film : certains journalistes qui l'assassinent sur la toile annoncent qu'ils n'iront pas le voir ; d'aucuns se réjouissent qu'il fasse un bide dans les salles. Et d'inviter à le boycotter.

Inutile, n'est-ce pas, de rappeler le pitch : le montage des images d'archives avant le générique de fin ne laisse aucun doute sur le propos : on y voit la famille Traoré réclamant justice pour Adama.

Coller si fort à l'actualité, c'est prendre un risque. Ce risque, le réalisateur Mehdi Fikri le prend ; on va suivre une famille dévastée par la mort violente d'un jeune homme, frère et fils adoré.

Comme il ne s'agit ni d'un documentaire ni d'une contre-enquête, mais bien d'une fiction, le parti pris est affirmé sans ambages : la victime est morte d'avoir été tuée par la police, et les autorités cherchent à étouffer l'affaire. J'ai pu lire qu'il n'y avait dans l'oeuvre aucun manichéisme ; point de vue que je partage pas et qui m'a dérangé, mais qui est infiniment respectable en soi. En effet, on ne quitte jamais le coeur du clan familial dans une sorte de point de vue interne. L'extérieur fait parfois irruption (police, justice), toujours hostile, toujours odieux, comme autant de bras armés d'un état totalitaire, que seuls peuvent combattre un avocat et les media.A tout prendre on pourrait voir dans ces Flammes un avatar du vieux bon film à thèse des années 70, je pense à Boisset, dans lequel le héros se bat contre un système forcément corrompu et perverti. Et finit par faire triompher le Juste et le Bon. on n'en fait plus guère par les temps qui court en France, on en laisse le monopole aux US.

Ce n'est déjà pas si mal.

Les personnages sont bien dessinés, travaillés et traversés par des 'émotions qui dessinent des positions contrastées entre colère et résignation, violence et légalité, doute et certitude ; mais ils ne sont là que pour servir le discours politique, parce qu'ils sont le socle sur lequel doit s'élever le couple formé par Antigone et sa soeur Ismène (toutes deux remarquablementt bien interprétées ) : les deux soeurs en miroir accomplissent leur trajet ascendant vers la lumière de la vérité, quoiqu'en prenant des chemins différents.Que retiendrai-je de ce film ? Une filmique qui est parfois audacieuse, et je ne vais plus au cinéma que pour chercher une esthétique novatrice. La scène du flash back, point culminant, devrait à ce propos servir de leçon à plus d'un cinéaste chevronné qui ronronne de film en film : un cadrage en plan fixe sur un parking désert, avec caméra débullée et voix off. On déjoue ainsi. tous les pièges voyeuristes pour n'en garder que l'essence sensible. Ajoutons pour faire bonne mesure le plan séquence de la veillée funèbre et le moment de la chanson dans la voiture au dénouement sacrément bien vu.