Après Les Misérables de Ladj Ly, le film de banlieue redevient tendance à Cannes ces dernières années (tendance amorcée avec Divines voici 4 ou 5 ans). Bac Nord est partagé entre le grand spectacle efficace qui ne s’embarrasse d'aucunes fioritures pour prendre le spectateur à la gorge et la démagogie assez maladroite d'un scénario qui caricature à l’excès les bons et mauvais protagonistes de cette affaire inspirée de faits réels.
Civil, Leklou et surtout Lelouche sont impeccables dans leurs partitions de ripoux trahis par l'institution judiciaire ainsi que l'état (Valls est particulièrement pointé du doigt); les seconds rôles tirent plutôt biens leurs épingles du jeu (mention spéciale à Kenza Fortas en indic dévouée tandis que Exarchopoulos fait le strict minimum) et la mise en scène transpire l'hommage aux canons du cinéma d'action US sans la plagier avec paresse. Clairement la réussite majeure de ce polar musclé. Malheureusement la malhonnêteté intellectuelle du cinéaste qui fait mine de ne pas comprendre en quoi la dichotomie qu'il impose à ses personnages est problématique gâche une grande partie du plaisir pris devant cette chasse a l'homme.
Sans pousser l'analyse très loin (d'autres l'ont par ailleurs très bien fait et je ne me sens pas particulièrement inspiré pour les compléter), dépeindre des quartiers difficiles en une masse uniformément mafieuse et coupe gorge est du pain béni pour le racolage audiovisuel qui produit à longueur d'année ainsi que d'antenne des émissions politiques et sociétales au rabais pour satisfaire la fantasmagorie antisémite d'une frange de plus en plus grandissante de la population. Le cinéma n'as certes pas tout le temps vocation à retranscrire le réel pour imprégner la pellicule, mais lorsqu'il s'empare de faits aux répercussions autant idéologiques il ne peut pas se permettre de s'absoudre avec légèreté des conséquences que cela peut engendrer dans le débat public. D'autant plus s'il prend parti pour des représentants de la loi sans apporter de contrepartie nuancée aux agissements illégaux de ceux ci. Il ne s'agit pas de blâmer l'empathie que l'on serait naturellement en droit d'éprouver devant l'état désastreux de la fonction laissée à l’abandon total par des gouvernements successifs rivalisant de médiocrité devant l'urgence de la situation (la gauche n'ayant pas grand chose à envier à ses concurrents à propos de cette récurrence).
Simplement on ne peut pas leurs trouver des circonstances atténuantes avec une aussi grande désinvolture tandis que la barbarie des trafiquants serait naturellement intrinsèque aux habitants des cités. Quid de l’abandon irresponsable des politiques publiques depuis des décennies dans les quartiers populaires? De la ségrégation qui ne dit pas son nom ou les plus modestes (sans même parler des plus précaires) sont essentialisés par leurs origines ethniques et parqués dans des logements sociaux insalubres avec l'école de la République comme grande absente pour l'égalité des chances? On sous estime grandement le pouvoir de l'image si l'on oublie que les représentations nauséabondes qui sont faites de ces personnes peuvent être dévastatrices pour l'estime de soi lorsque l'on se sent stigmatisé. Et ceci n'esquive en aucun cas la responsabilité de ceux qui profitent de cette désagrégation pour faire tourner la boutique de l'horreur sous l'autel de l'argent facile et du capitalisme carnassier (l'exploitation de la misère sociale pour écraser les plus faibles et se repaître de la défaillance étatique c'est la raison d’être de tous les fondamentalismes dont on ne semble jamais vouloir tirer de leçons concrètes.....). Comprendre n'est pas excuser et encore moins adouber la violence, pour ceux qui seraient tentes de jouer la carte de l'angélisme en me lisant
Il y'aurait encore d'autres reproches de ce type à porter au débit de ce film que je laisserais aux volontaires le soin de porter comme dit précédemment, je pense avoir fait le tour de l'essentiel.