BAC Nord fait polémique, mais pas pour les bonnes raisons. Qu’il prenne la défense des trois agents de police s’avère on ne peut plus louable compte tenu de la complexité de l’affaire investie d’une part, de la précarité de leurs conditions de travail et de l’image négative qui leur colle à la peau aujourd’hui d’autre part. Aussi, les commentaires vite formulés reprochant au film de glorifier la police ne mettent le doigt que sur la seule haine de leurs auteurs à l’égard desdites forces publiques, une haine souvent entretenue non par conviction personnelle mais par souci de se fondre dans la masse.
Non, la crise que suscite et traverse le long métrage de Cédric Jimenez ne peut que reposer sur des critères esthétiques : pourquoi représenter Yass, Greg et Antoine comme des avatars des dealers et criminels qu’ils traquent au quotidien ? Leur proximité, voire leur assimilation au sein des bandes rivales dans les cités marseillaises conduisent le réalisateur à les changer en des héros gangsters qu’iconisent moult ralentis inutiles, gros plans, éclairage aux néons et bande son tonitruante. Aveuglé par les images qu’il compose, Jimenez ne semble aborder ces séquences qu’en vertu de leur potentiel artistique, sans penser qu’elles produisent du sens ; en résulte une complaisance chic qui dissone avec la rugosité revendiquée par les interventions musclées. À force de vouloir en faire toujours plus, d’aller plus loin dans la création d’icônes, le film perd de sa spontanéité ; en cela, il applique le constat exprimé par Greg selon lequel « plus je fais ce métier, moins je le fais ».
Ce manque de maturité ne l’empêche pourtant pas de fonctionner et d’offrir, grâce à sa réalisation alerte et à ses acteurs remarquables – Gilles Lelouche aura rarement été aussi bon – une poignée de séquences mémorables.