Autant le dire tout de suite je vais dans ce petit exercice critique sauter à pieds joints dans ce que je voulais pourtant dénoncer au départ. Un peu comme 95% des critiques que j'ai pu lire je n'échapperais pas au piège de vouloir balayer la polémique tout en la nourrissant largement et j'aurai bien du mal à ne parler de BAC Nord que d'un point de vue strictement cinématographique comme je voulais pourtant le faire au départ comme un pied de nez. Le film de Cédric Jimenez est ainsi fait et il incite à un débat sans doute tout entier concentré dans le fait qu'il s'inspire de faits réels et qu'il s'invite douloureusement dans le débat politique via l'actualité terrible des derniers jours dans la cité phocéenne et quelques soutiens politiques dont le réalisateur se serait bien passés.
Inspiré de faits réels tout est là, dans ce no man's land entre la fiction et la réalité et chacun y cherchera et trouvera fatalement ce qu'il a envie d'y voir car j'ai toujours défendu cette idée qu'il existait autant de manière de voir un film que de regards de spectateurs. Certains y verront donc (enfin) une vision réaliste de la banlieue et du travail difficiles des policiers, d'autres n'y verront qu'une caricature sensationnaliste et dangereuse d'une réalité bien plus complexe, alors que d'autre n'y verront qu'un putain de thriller sous tension au grand désespoir des deux premiers qui les accuseront d'avoir oublier leur cerveau à l'entrée de la salle. Et si la force de BAC Nord était finalement d'être tout ça à la fois et de proposer sous la forme d'un putain de film d'action tendu comme un string un constat terrifiant sur une société dans laquelle plus personne ne réfléchit au delà de ses propres doctrines et d'une idéologie clairement installé. Que l'on applaudisse sans réserves le film sans noter ses quelques malhonnêtetés intellectuelles et arrangements avec la véritable affaire me semble une approche aussi partisane et hypocrite que de rejeter d'un bloc cette fiction sous couvert que la réalité fortement appuyé du film n'est pas forcément LA réalité des choses.
Pour ma part j'ai adoré toute la première partie du film et cette plongée frontale,, brutale et violente dans la réalité, celle de cette fiction, celle du film. Dans un premier temps j'avoue que je m'en tape complétement de savoir si ces zones de non droit qui ressemble à des zones de guerre existent vraiment tel quelles sont montrées dans le film, ou pas tout à fait comme ça ou pas du tout car je suis juste happé par le rythme et la force de l'intrigue. Je m'en tape tout autant de savoir si l'on cherche à me rendre quelques crapules de flics sympathiques puisque je trouves le trio Gilles Lelouch , François Civil et Karim Leklou formidable de justesse, de sincérité et de force et que j'ai envie de suivre ses personnages pendant deux heures. BAC Nord m'embarque dans sa première partie pour ne quasiment jamais me lâcher dans un récit carré, tendu et efficace comme on en voit assez rarement dans le cinéma français pour ne pas le célébrer in facto. A ce titre la fameuse scène de l'assaut du quartier en quête d'un gros coup de filet est un sacré morceau de bravoure avec notamment une suffocante et tétanisant tentative de fuite à bord d'une voiture prise d'assaut par des dizaines de jeunes. Oui si l'on s'écarte un peu de son cadre et d'une approche politique et sociale, BAC Nord est un putain de polar français bourré d'adrénaline et de tension comme on en voit bien trop rarement. Je suis franchement beaucoup moins enthousiaste sur la seconde partie du film qui force un peu trop le trait sur la figure sacrificielle de ces trois pauvres flics fatalement accablés par les politiques, les médias, les juges, l'IGPN, dieu et tous les saints. Pour le coup je trouve que Cédric Jiménez pousse un peu trop le curseur de la compassion unilatérale et culpabilisatrice faisant de ses personnages des figures symboliques et caricaturales d'une réalité (Celle de l'affaire judiciaire) bien plus complexe.
Oui j'ai aimé BAC Nord ce qui me rapproche visiblement de Marine Le Pen, oui j'ai aussi des grosses réserves sur le film ce qui doit faire de moi un bobo islamo gauchiste, en tout cas en tant que cinéphage j'ai passé un très bon moment et puis les avis politique c'est comme les trous du cul tout le monde en a un. Mon plus gros regret vis à vis du film reste de ne pas savoir ce que devient le personnage super touchant interprétée par Kenza Fortas, mais symboliquement c'est assez significatif car peu importe que l'on glorifie le flic ou le voyou on se fout toujours un peu de la victime collatérale qui pourtant représente sans doute l'immense majorité des gens.