ça!!
Pour ceux qui n'auraient pas encore peur des clowns, ce n'est pas irrémédiable... J'ai mis ce film pour m'occuper pour faire autre chose, et impossible, dès les premières secondes je me suis...
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le 18 août 2011
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Balada triste est un film du génial Alex de la Iglesia, réalisateur aux univers aussi multiples que complémentaires dont j'ai à ce jour aimé absolument tous les films. A la fois film somme de ses œuvres précédente et projet le plus intime et personnel, Balada triste est incontestablement le plus beau, le plus intense , le plus fou et aussi le plus triste des films de Alex de la Iglesia. A travers cette fable mettant aux prises deux clowns amoureux fou d'une même femme le réalisateur espagnol atomise les contradiction politiques de l'Espagne de Franco et livre un film sur la nostalgie brisée de ceux que l'on aura privé d'enfance.
Blada triste raconte donc l'histoire de deux clowns travaillant dans un même cirque dans l'Espagne post-franquiste de 1973. D'un coté on trouve Sergio, un clown dévoué et populaire mais qui est aussi un homme violent, bouffi de haine, alcoolique et terriblement autoritaire. De l'autre on trouve Javier le clown triste, un homme timide, réservé qui porte la blessure d'un passé difficile puisque il est le fils d'un ancien clown victime de la guerre civil après avoir été enrôlé de force dans l'armée républicaine. Les deux hommes que tout oppose vont finalement se déchirer jusqu'à la folie pour l'amour de Natalia une jeune et magnifique acrobate...
Balada triste est un film totalement fou et imprévisible, à tel point qu'il est bien difficile de clairement classifier le film et de le ranger dans une case. A la fois comédie, pamphlet politique, drame historique, conte philosophique, romance, film d'horreur, thriller et fable surréaliste le film de Alex de la Iglesia est un mélange de saveurs et de sensation décrivant de manière aussi bouillonnante que brouillonnante les contradictions d'une Espagne malade de son passé et du poids laissé par la dictature de Franco. C'est en tout cas grisant et très agréable de se retrouver devant un film qui vous embarque à ce point dans une ballade aussi imprévisible et dans laquelle il est absolument impossible de savoir ce que nous réserve la scène suivante. Il n'est pas rare au cours d'une même séquence de passer par des sensations multiples et contradictoires comme lorsque Sergio retrouve Javier et Natalia à la fête foraine; on est alors tout à la fois ému du dévouement de Javier, choqué par la violence de Sergio, amusé par l'humour noir de la séquence et crispé par la tension de l'instant. Balada triste est une sorte de manège complètement fou qui file à vive allure à travers des attractions disparates. Un univers chaotique mais totalement cohérent dans lequel Alex de la Iglesia semble rendre hommage à Jodorowski (La tentive de meurtre à grand coup de trompette), Browning (la parade du cirque avançant sous la pluie pour sauver Sergio), Hitchcock (Le final), James Whales (Sergio recousu tel Frankenstein) et Luis Bunuel (L'utilisation surréaliste de Javier comme chien de chasse).
Balada triste est surtout le portrait acide d'un pays rongé par son passé et hésitant encore (à l'image de Natalia) entre le conservatisme rigide, machiste et autoritaire hérité du Franquisme et la liberté d'une résistance qui finit par devenir un monstre de violence rongé par le passé et la force d'un désir de vengeance. Les deux clowns du film incarne bien évidemment deux fortes tendances, deux courants de pensée se disputant de manière aveugle et symbolique les faveurs du pays. La grande force de Alex de la Iglesia est de ne jamais prendre parti et de refuser tout manichéisme en proposant des personnages complexes qu'il est impossible d'admirer ou détester d'un bloc. Si dans un premier temps le clown triste Javier est clairement montré comme le gentil alors que Sergio est le monstre, les tendances s'inverseront et le temps de quelques scènes on finira par se prendre d'affection pour la figure du monstre pathétique de Sergio alors que Javier provoquera l'aversion dans sa folie destructrice de plus en plus incontrôlable. Les deux clowns de ce pathétique cirque finiront physiquement par se transformer en monstres effrayants pour les enfants et rongé dans une quête obsessionnelle de prendre le pouvoir et de séduire Natalia au point de la mettre en danger. Rarement un cinéaste n'aura porter un regard aussi brut, métaphorique et dérisoire sur les tourments politique de son pays à l'image de cet instant ou Javier demande aux terroristes de l'ETA qui viennent d'opérer l'attentat sur Carrero Blanco (Un fait historique exact) dans quelle cirque ils travaillent. Dans ce grand cirque nous sommes tous des clowns pathétiques et Alex de la Iglesia rêve sans doute de manière utopique à l'unité d'un pays apaisé dont les fantômes des guerres et des disputes passées ne seraient plus que des clowns monstrueux, grotesques .
Balada triste est un très grand film malade servi par un formidable trio d'acteurs avec Carlos Aceres, Antonio De La Torre et la magnifique Carolina Bang. Le film bénéficie également de la présence de quelques complices et habitués du cinéma de Alex de la Iglesia avec Santiago Segura dans le rôle du père de Javier, Roque Banos qui signe une nouvelle fois une magnifique partition et Kiko de la Rica à la photographie qui travaille pour la troisième fois avec le réalisateur après Mes chers voisins et Crimes à Oxford et qui livre lui aussi un travail magnifique lors de scènes quasiment en noir et blanc. Balada triste est un film dont on ressort à la fois euphorique et lessivé, triste et amusé, mélancolique et galvanisé. Durant un peu moins de deux heures Alex de la Iglesia nous transporte ,générique compris, dans un tourbillon rempli de moments d'horreur graphique ou gothique, de folie furieuse et poétique , d'humour burlesque et grotesque, de tragédie et de larmes jusqu'à un final absolument bouleversant de deux rancœurs hurlantes à l'unisson dans une même douleur . Impossible d'oublier la puissance métaphorique de certains moments du film comme lorsque les deux clowns s'affrontent au milieu des crânes désespérément semblables des soldats de Franco et des soldats républicains. Difficile également de ne pas être touché par la beauté de certaines séquences comme celle du cinéma ou la danse entre Javier et Natalia dans la grotte avec en arrière plan un clown qui chante le titre éponyme du film.
Cette ballade est un magnifique voyage dans la mélancolie des blessures d'un pays ne réussissant pas tout à fait à s'affranchir de son passé. Un voyage mené à la vitesse d'un bolide par un cinéaste décidément aussi génial et imprévisible que furieux. Balada triste est tout simplement à ce jour le plus grand film d'un des plus grand réalisateur européen de notre époque.
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Créée
le 10 mars 2020
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