À l’époque de sa sortie en salles, Strictly Ballroom est défini par l’une des affiches françaises comme un « délire total » rehaussé à terme d’un point d’exclamation. C’est ne rien comprendre ni au long métrage ni au geste artistique de Baz Luhrmann dans son ensemble qui offre au public un spectacle dionysiaque parfaitement maîtrisé, reflet d’un âge et de mœurs auxquels les personnages principaux s’opposent. Nul hasard, par conséquent, si la plupart de ses films revisitent la pièce de William Shakespeare, Roméo et Juliette (1597) : deux êtres issus de milieux différents voire rivaux vont vivre leur passion en louvoyant entre moralité et immoralité, sincérité et comédie sociale.
Strictly Ballroom pose ainsi les jalons du cinéma de Luhrmann : protagonistes passionnés, réalisation à leur image, c’est-à-dire virevoltante, chatoyante, mimétique de l’emportement des êtres qu’elle capte, importance de la musique mêlant les chansons à l’orchestre – quoiqu’il s’agisse ici de synthétiseurs, pas du meilleur goût… – qui mêle à son tour une partition originale aux reprises de ces mêmes chansons sous une forme instrumentale. Le long métrage ne souffre d’aucun temps mort : une petite heure et demie lui suffit à nous entraîner dans une danse fiévreuse qui n’évolue pourtant jamais en « délire total » car cela reviendrait à réduire Scott Hastings au statut d’énergumène ou de fantoche dépourvu de cohérence, ce qu’il n’est pas. Hastings a le sens des réalités, et c’est parce qu’il a le sens des réalités qu’il veut que sa danse transgresse ; face à lui, Fran refuse le second rôle auquel la cantonne sa laideur initiale et gagne la tête d’affiche, révélant talent, originalité et passion.
Le couple, dans le cinéma de Luhrmann, est toujours incendie, accélérateur de particules ; il bénéficie ici d’acteurs tout aussi excellents que l’œuvre elle-même. Une réussite.