Spécialiste de documentaires sur le cinéma et de making of, David Gregory se penche ici sur la vague de censure qui va s'abattre sur l'Angleterre durant les années 80 avec les fameuses Nasty Videos. A travers un documentaire en deux parties intitulé Ban The Sadist Video !, le réalisateur explore les causes, les conséquences et les dérives de l'exercice.
Comme un peu partout dans le monde, les années 80 sont marqués en Angleterre par l'explosion du marché de la VHS et des vidéoclubs dans un pays ou la crise économique marquée par un fort taux de chômage pousse les familles modestes vers ce type de loisir bon marché. Des tonnes de films peu, voir pas du tout, diffusés au cinéma se retrouvent sur les rayonnages des vidéoclubs avec notamment des tonnes de films d'horreurs dont la radicalité et la violence graphique viennent bousculer les vieilles habitudes de spectateurs bien plus habitués à l'élégante épouvante de la Hammer et celle des films Amicus. La curiosité et le goût de l'interdit va fatalement poussé le public vers ce type de films qui se retrouvent en libre accès pour tous y compris les plus jeunes ce qui fera bondir d'indignation les associations conservatrices comme la NVALA. Une campagne acharnée et menée par Mary Whitehouse vise alors à interdire tout simplement un certain nombre de films , le tout soutenu par les gouvernements conservateurs et une presse hypocrite qui se délecte à décrire en détails les films incriminés tout en condamnant cette indécente exposition de violence. Une première liste d'une quarantaine de films est alors établie et deux autres listes suivront portant le total des films interdits à plus de 150 films le tout divisés en trois catégories. Les films étaient alors saisis dans les vidéoclubs, chez les distributeurs, voir chez les particuliers qui s'exposaient à des amendes voir des peines de prisons pour diffusion de matériels obscènes. Dans cette tourmente conservatrice des flics débarquaient donc dans les vidéoclubs et saisissaient à la volée ce qu'ils considéraient comme indécent embarquant parfois Apocalypse Now en le confondant avec une bis italien avec des cannibales. De nombreux films resteront à ce titre interdit durant de nombreuses années en Angleterre qui trouvera avec le marché du DVD et de versions Uncut une opportunité de découvrir enfin certains films. Ban The Saddist Videos ! outre les nombreux intervenants qui ont vécus cette époque nous montre aussi les pratiques un peu ridicules de la censure de l'époque à travers des extraits censurés et non censurés de Messe Noire de Eric Weston.
Mais en filigrane, Ban The Saddist Video ! pose aussi cette question de l'influence des images violentes sur le jeune public plus particulièrement à travers ce sordide fait divers de 1993 lorsque deux gosses de dix ans vont kidnappé et battre à mort un gamin de deux ans et que la presse fera choux gras du fait que le père de l'un des deux agresseurs avait loué Chucky 3 et qu'il avait laissé la cassette en libre accès pour son fils. Se retrouvant intimement lié à ce fait divers par des raccourcis parfois douteux le film restera invisible en Angleterre durant de très longues années. En dehors de toute censure stupide, de toutes facilités, les questions de banalisation d'images violentes, de désensibilisation, de fascination morbide doivent se poser surtout concernant le jeune public comme elles doivent se poser concernant les contenus pornographiques. Bien sûr il n'est nullement question d'interdire, mais le cinéma est capable de nous faire, rire, pleurer, réfléchir, bander … pourquoi sa violence n'aurait pas le moindre effet, surtout sur des esprits faibles ? En tout cas si on laisse ces questions aux associations de défense de la famille et des valeurs morales et chrétiennes on se retrouvera avec d'autres dérives comme celles de ces années 80 en Angleterre.
Ban The saddist Video ! est donc un bon documentaire, riche et instructif, qui pose questions et analyse assez globalement le phénomène Nasty Videos. Je voulais faire la liste des fameux films interdits mais ça a déjà été fait et en plus très bien fait ICI .