La véritable réussite de Bangkok Dangerous, polar au scénario classique, tient à la mise en scène virevoltante que nous offrent les Frères Pang, à mi-chemin entre le réalisme brut et l’onirisme lumineux avec néons rouges, désaturation d’images, vitres bleues par laquelle s’illuminent la pluie qui tombe et le prénom qu’elle porte. Mené tambour battant, le long métrage bénéficie en outre de l’efficacité de la partition signée Brian Tyler avec quelques thèmes mémorables et des motifs électroniques qui épousent à merveille l’atmosphère grouillante et inhumaine de la capitale thaïlandaise. De la même façon que Tyler Rake travaille les teintes jaunâtres pour rendre compte de la lumière si particulière du Bangladesh, Bangkok Dangerous pense sa photographie comme une palette d’artiste capable de traduire à l’écran les tonalités qui définissent Bangkok, la saturation de ses rues et de ses canaux, le bruit constant, le danger qui guette à chaque intersection, la poésie d’espaces en marge à l’instar du restaurant où l’on mange épicé ou du parc où il fait bon se promener accompagné de sa moitié.
Car le film greffe une romance dans un corps froid et violent, le perce de halos de lumière et de vie, tout entier incarnés par Fon dont le vêtement blanc se macule de sang lorsque Joe quitte son costume de banquier pour révéler sa véritable fonction. L’ensemble travaille l’héroïsme comme un statut tiraillé entre le bien et le mal, le blanc et le noir, la nature d’un être – que l’on perçoit à travers son regard – et sa fonction ; il représente néanmoins un héroïsme on ne peut plus ambigu, qui ne se définit jamais comme tel puisque le titre de héros vient de son élève, un héroïsme sale et solitaire dont l’échec dernier n’est que le masque professionnel pour un échec amoureux et, au-delà de l’amour, métaphysique : c’est une foi en l’humanité recouvrée qui prend fin à l’arrière de la voiture, comme ce très beau plan où Fon est laissée seule en arrière-plan, visible par la vitre extérieure du véhicule.
Sous ses airs de série B violente, Bangkok Dangerous cache un cœur beaucoup plus philosophique et sensible qu’il n’y paraît, et constitue certainement l’une des dernières réussites véritables de Nicolas Cage au cinéma. De quoi se laisser embarquer dans cette expédition de tous les dangers.