Effectivement ce duel au sommet des deux super-héros les plus iconiques de DC Comics nous a bien été vendu, le martelage promotionnel habituel, quoi de plus normal désormais il faut dire, Zack Snyder nous avait laissé sur un Man of Steel assez insupportable mais la promesse d’une valeur ajoutée était posée sur la table, et elle s'appelait Batman, of course. C’est d’ailleurs la seule et unique chose qui m’a fait me déplacer au cinéma, les aventures du chevalier noir restaient sur une fausse note nolanienne et il était tout à fait nécessaire (à mes yeux) de réparer l’affront, je nourrissais donc pas mal d’espoirs, sans trop m’attendre à quelque chose qui me transcende, simplement un bon moment de divertissement au cinéma, ne pas regarder ma montre …
Et je dois bien avouer que Snyder ne m’a pas laissé grand temps à espérer, quoique le petit devoir de mémoire sur la mort des parents de Bruce Wayne soit une manière on ne peut plus logique d’introduire le caractère torturé du personnage, car en effet il est ici établi que l’histoire nous montre un Batman un peu en bout de course, ses aventures sont derrière lui et malgré la complicité de la police il peine à exister face au degré héroïque que Superman exerce sur le monde. La séquence suivante agit comme un paraquel à Man of Steel lors de la bataille finale contre Zod en plein Metropolis, comme un goût de 11 septembre à échelle humaine, vissé au sol, et c’est à ce moment où la légitimité du super-héros pose question en ce qui concerne Superman, la première moitié du film insistera bien là dessus, le monde a t-il besoin d’un dieu venant à son secours ? Ce même dieu peut il se retourner contre le monde ? Est-il réellement un bienfaiteur ? C’est ce type aux jambes tranchées lors des destructions qui dresse les ambiguïtés, comme à chaque guerre ses victimes collatérales, et même si c’est amené un tantinet sommairement les enjeux sont là, et Superman devra y répondre.
En parallèle il y a tout ce commerce obscur commandité par Lex Luthor, interprété par un Jesse Eisenberg en tout point agaçant de cabotinage, pour déterrer les failles kryptoniènnes et établir son plan machiavélique pour devenir le maitre du monde, en décrédibilisant la figure divine tout en manipulant ses faiblesses morales et physiques. Batman lui en bon détective qu’il est (ou pas) tentera de déjouer ses plans et butera sur un obstacle improbable de femme fatale au charme déployé (Gal Gadot est canon), on a déjà cette sensation de dédale scénaristique propre aux films d’espionnage, qui n’est pas mauvaise en soit mais pouvant se révéler fragilisée par sa mise en scène. Et c’est bien ce qui se passe, car il reste utile de digérer tout ça et on ne nous en laisse malheureusement pas le luxe (en plus d'une séquence de rêve incompréhensible placée en plein milieu dont il ne fera plus référence par la suite, sorte de clin d'oeil pour geek où le spectateur lambda ira gentiment se faire voir chez les grecs), de là difficile de se sentir concerné, on voit clairement à un moment donné que Snyder ne sait pas quoi faire de ses personnages, ce duel tant attendu parait même tellement forcé que s’en est absurde, le triumvirat épique bat de l’aile petit à petit pour nous amener à un second acte totalement imbouffable.
On sait que le réalisateur américain ne fait pas dans la dentelle lorsqu’il s’agit d’action, capable d’user d’effets des plus grossiers, la rédemption n’arrivera pas pour ce film, la deuxième partie passe aux choses "sérieuses", ce pourquoi des millions de gens vont se précipiter dans les salles pour se délecter de leur pop-corn, du bourrin, de la castagne jusqu’à plus soif, et on y a droit messieurs dames pour vos yeux les plus ébahis. Les vestiges de Man of Steel sont redéposés ici pour être re-détruit, Avengers Style, l’apparition de Doomsday sonne comme l’élément de trop pour remplir le contrat de l’entertainement manichéen tout puissant (en plus d'être horriblement dégueulasse visuellement), puis vient s’additionner Wonder Woman délaissant son écran d’ordinateur annonciateur de la Justice League, très bien, merci Warner de faire passer ce film pour une pub, donnant lieu à un combat ajoutant du fracas au fracas, d’effet en effet, jusqu’à n’en plus finir … Et c’est pénible, très pénible, surtout que Snyder donne l’impression de ne plus savoir comment terminer sur une bonne note, alternant séquence pseudo émotive à tentative vaine de cliffhanger, le masque était déjà tombé depuis un bon moment.
Ce Batman vs Superman n’est pas une réelle déception tellement je la voyais venir à grands pas, mais plutôt une frustration de ne pas avoir su exploiter Batman sous un meilleur jour, parce que Ben Affleck reste digne de la stature de l’homme chauve-souris, c’est le gros point fort du film, tout comme Jeremy Irons en Alfred, tout ce qui tourne autour n’étant qu’un grand manège à pognon, du sous-divertissement se croyant comme malin par soubresauts. Je n’en ressors pas énormément de choses si ce n’est au final qu’un moment pas vraiment agréable (c'est le moins qu'on puisse dire), quelques bonnes intentions lors de sa première partie mais totalement annihilées par une seconde boursouflée et fourre-tout.