Dans l'histoire du cinéma superhéroïque, on a rarement vu un film qui partait avec une telle épine de kriptonite dans le pied. Hurlant contre les choix de casting, les dates de sorties, jusqu'aux logos et aux simples rumeurs, les fans hardcore n'ont laissés que peu d'espace à la production pour que s'épanouisse dans la sérénité un film aussi monumental. Sorti depuis moins d'une semaine, Batman V Superman se fait assassiner. Exécuté sans appel par une presse féroce et des spectateurs trahis, Snyder est, pour la moitié de la planète, l'homme qui a détruit le futur de DC au cinéma pour les 15 ans à venir.


Le film mérite-t-il cependant cette sentence définitive ? Entrons dans l'arène en prévenant le lecteur : le SPOIL est de rigueur.



Prérequis



Avant toute chose, revenons sur 3 points essentiels afin d’apprécier le film à sa juste valeur, qui sont autant de prérequis à garder en tête.


Lâcher prise : il semble juste de considérer les films et les comics comme des univers séparé. N'en déplaise aux ayatollahs du comics papier, le cinéma s'est emparé des héros et les a développé dans un univers identifiable. Partant de ce postulat, les arguments à l'origine du massacre de Man of Steel ne tiennent plus. Superman a tué, oui. Mais c'est là une interprétation du personnage, interprétation inhérente à une version pessimiste emprunte de thématiques contemporaines. Pour se plonger dans l'aventure Snyder, mieux vaut lâcher prise et entrer dans le DCCU par la grande porte.


Ne pas comparer à Marvel : un des gros reproche à l'encontre de BvS est qu'il n'est pas aussi fun que les productions de la maisons des idées. Or il est aussi stupide et stérile de comparer DC et Marvel que d'autres franchises parallèles comme James Bond et Mission Impossible. Autre maison, autre public, autre message. L'univers DC développé au cinéma a un ton bien plus adulte et sérieux. A l'heure où les héros en capes et armures ont envahi les rayons jouet, il est difficile pour le public d'envisager une histoire de super héros non destinées aux enfant. Snyder adopte une démarche sombre et nihiliste pour envisager des héros torturé ? Soit. Laissons la gaudriole à l'équipe lumineuse de Josh Whedon.


Accepter Snyder : C'est un fait, Zack la menace est aux commandes de DC au cinéma depuis le controversé Man of Steel. L'homme de Watchmen a développé une esthétique personnelle et des thèmes de prédilection sur grand écran qui en font le candidat idéal pour un univers plus réfléchi.



Bath Men



Le gros point fort du film est a trouver dans ses personnage principaux.
Ben Affleck livre un parfait Bruce Wayne, modèle du milliardaire vieillissant d'une gravité palpable, et un Batman déjà mythique. Le héros de Gotham est marqué par la mort plus que par la vie et glisse lentement vers une justice violente pour mener à bien sa dernière croisade.
Ainsi Batman bafoue sa règle d'or et tue certains de ses énnemis. Mais en rappelant que le cinéma développe sa propre diégèse, la démarche est cohérente avec le propos. Obnubilé par le faux dieu, Wayne repousse ses propres limites et se corrompt dans un combat contre lui même. Batman se révèle sous un jour encore inédit au cinéma : c'est un schizophrène névrosé, instable et violent. Le serment de terreur qu'il réitère sans cesse sur la tombe de ses parents est vainement canalisé par son majordome Alfred, campé par un Jeremy Irons quelque peu sous exploité.


Henry Cavill confirme cette impression de puissance démesurée inhérente au personnage de Superman. En ouvrant sur la scène de destruction de Metropolis par le combat opposant Zod et le fils de Krypton à la fin de Man of Steel, Snyder introduit intelligemment le personnage de Bruce Wayne et rappelle le pouvoir quasi divin du personnage. Cavil dispose d'une aura de pureté et d’honnêteté qui appui le propos christique du film, propos littéralement martelé à coup de poing d'un bout à l'autre de l'histoire jusqu'à l'indigestion.


De l'accord plus ou moins général, Gal Gadot crée la surprise en incarnant une Wonder Woman princière, véritable amazone au charme oriental envoûtant. L'introduction du personnage est réussi, souligné par le meilleur costume que l'on pouvait espérer pour l'adaptation à l'écran d'une héroïne aussi peu... adaptable.



Super sécateur



Le gros défaut du film réside dans un montage bordélique et une intrigue qui s'étiole après le premier acte. Le spectateur inattentif sera vite perdu dans les méandres de l'intrigue, impression accentuée par les revirements aussi vifs qu'inexplicables des personnages dont les enjeux finissent par se contredire. Il serait intéressant de savoir dans quelle mesure Snyder n'a pas été contraint d'opérer des coupures au hachoir rouillé dans son film pour en réduire la durée à 2h40. Ces tranches purulentes éjectent littéralement le spectateur du long métrage. En point d'orgue, le revirement de Batman écrit à la truelle laisse la place à Doomsday, monstre modélisé avec une CGI à mi chemin entre le tas de boue et le gratin dauphinois, est un gâchis dantesque. En précipitant l'arrivée d'une menace servant à unir les héros, le réalisateur hâte un dénouement certes curieux mais dépourvu de toute émotion car parasité par la suite du calendrier DC. Nous reviendrons sur le sprint de Snyder.



Loïs Lame



Le reste du casting est largement en deçà des protagonistes principaux. Le personnage de Loïs est incroyablement mal écrit et n'existe que pour remplir la fonction de princesse Peach de service. Littéralement inutile à l'intrigue, la pauvre Amy Adams se retrouve à exécuter un script écrit à l'arrache, sans queue ni tête, devant une audience perplexe. Summum de la bêtise : la scène où Loïs doit chercher la lance kriptonienne lors de la bataille finale et qui, pour échapper aux blocs de pierre lui tombant dessus, plonge dans le bassins d'eau.... Recouvert par la suite de ces même blocs, piégeant la rouquine dans la flotte.
Même constat malheureux pour un Perry White qui perd toute consistance en milieu de film comme si le personnage avait été réécrit en plein tournage.



Antisocial Network



Finalement un des plus gros échec du film réside dans le choix de casting le plus audacieux. Jesse Einseberg est en roue libre. En livrant une contre-performance Jokerienne, le jeune patron de Lex Corp tombe la tête la première dans le cliché du savant fou excentrique aux tics de langages appuyés. Son environnement ne facilite pas les choses : depuis son thème musical poussif jusqu'à ses punchlines machiavélique, le mot "MECHANT" semble être inscrit en lettres de feu au dessus de la tête chevelue du Lex en baskets.
Un Lex qui semble être par ailleurs dessinateur de logo pour super-héros. Dans une séquence quasi méta où Bruce Wayne découvre les archives secrètes de Lex, au même titre que nous découvrons les infos livrées au compte gouttes par la production, les différents dossiers contenant les infos sur les méta humains sont estampillés par des logos identifiables pour les fan du web. En découlent des caméos bâclés à la limite du ridicule. Mention spéciale à Aquaman, pour qui Jason Momoa devra redoubler d'efforts afin de redorer le blason déjà bien émoussé par une piètre réputation, aggravée par cette apparition maladroite, lui coulant du plomb dans les bottes.



Force Véloce



Et c'est là le principal reproche que votre serviteur adresse au réalisateur de 300. En proposant dès son deuxième film un affrontement entre les membres les plus emblématiques de DC, Snyder se donne pour mission de poser les bases de la Justice League et de rattraper maladroitement un retard accumulé face à l'équipe d'Iron Man. A l'image d'un flash s'affranchissant des lois temporelles, Snyder cours après l'horloge, a voulu tout dire, tout de suite, en semant des semblants de pistes et des références que seuls les fans avertis peuvent comprendre. Il s'agit là d'un film bâtard, qui porte à l'écran un fantasme de pop culture préhensible par tous, mais couvrant un fond bien plus dense inhérent à la complexité des univers DC.
.

AlainStarman
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs films avec Ben Affleck et Les meilleurs films Superman

Créée

le 27 mars 2016

Critique lue 429 fois

2 j'aime

Le  Fléau

Écrit par

Critique lue 429 fois

2

D'autres avis sur Batman v Superman : L'Aube de la Justice

Batman v Superman : L'Aube de la Justice
Kelemvor
4

Que quelqu'un égorge David S. Goyer svp, pour le bien-être des futures adaptations DC Comics !

Qu'on se le dise, Man of Steel était une vraie purge. L'enfant gibbeux et perclus du blockbuster hollywoodien des années 2000 qui sacrifie l'inventivité, la narrativité et la verve épique sur l'autel...

le 25 mars 2016

117 j'aime

35

Du même critique

Calmos
AlainStarman
3

Cassos

Deux hommes désertent la ville pour s'évader de l'emprise des femmes. Loin derrière les valseuses, on sourit aux grandes phrases sur la vie de Marielle et Rochefort et aux gags bien potaches. Le...

le 6 févr. 2016

3 j'aime

The Pledge
AlainStarman
5

Battre en Retraite

Nicholson utilise parfaitement bien l'immense bagage cinématographique qu'il a accumulé en tant que type inquiétant et tourmenté, au service de sa vieillesse apparente que Sean Penn capte sous le bon...

le 5 nov. 2015

3 j'aime