Batman v Superman n'est pas tant intéressant pour ce qu'il est mais pour les réactions qu'il suscite. Je n'étais pourtant pas plus pressé que cela d'aller le voir pour des raisons que j'évoquerai plus bas (oui, je maintiens du suspens moi) mais le backlash que le long-métrage suscitait et suscite encore à l'heure où j'écris ces lignes m'intriguait, même s'il vient en partie de mes réserves pré-visionnage (patientez j'ai dit !). Au final, mérite t-il ce lynchage ? Pas tant que ça...
Bataille de tranchées
Un cinéphile n'a pas le même degré d'attentes selon le film qu'il regarde et en conséquence, il n'aura pas le même sentiment une fois la bobine arrivée à terme. S'il s'attendait à un grand film et surtout si celui-ci était en mesure de lui donner raison, sa déception n'en sera que plus grande et il sera plus virulent envers celui-ci, ce même si le film n'est pas intrinsèquement "mauvais". Et selon moi, ce défoulement sur le film vient de là et tend à fausser notre perception. Au choix, BVS (oui j'ai la flemme) n'est pas un mauvais film pour ce qu'il est mais pour ce qu'il aurait pu être ou bien il n'est pas le film que le public voulait voir. Dans le premier cas, les défauts nous sautent à la gorge et mettent ses qualités au second plan tandis que dans le second, on a davantage le sentiment d'avoir été trompé sur la marchandise. Parfois à raison mais parfois à tort quand on s'obstine à comparer le produit avec les films du Marvel Cinematic Universe, ce qui n'a pas lieu d'être pour moi.
De plus, on s'attaque à une licence qui touche un public sensible, un peu comme pour Star Wars. Beaucoup ont grandi avec Batman et ne pardonneront pas la moindre sortie de piste, ce pourquoi le fan sensible taillera un sourire de l'ange façon Heath Ledger au malotru qui osera dire du bien de Batman et Robin. Et je ne parle même pas des débats acharnés sur "quelle est la meilleure version ?" entre les essais de Tim Burton et ceux de Christopher Nolan. Même cas de figure pour Spiderman par ailleurs. Tout ça pour dire qu'il était évident que ce film allait mécontenter du monde, quoiqu'il arrive, quelque soit sa qualité intrinsèque.
Tendre le Bâton pour se faire Battre
J'en viens à la raison qui me poussait à la méfiance quant à l'existence du projet : son timing. Je peux être dans le tort mais tout le long, j'ai eu le sentiment que ce film sortait uniquement en réaction du succès du MCU et ses Avengers. Les super-héros étant à la mode, DC aurait eu tort de se priver de sa Justice League donc je ne peux décemment pas leur reprocher d'essayer mais ils avaient aussi tout à gagner à prendre leur temps. Or s'il y a bien une comparaison Marvel-DC qui est légitime, c'est celle de leur stratégie : le MCU a débuté officiellement en 2008 avec le premier Iron Man pour ensuite consacrer d'autres héros. Ils ont attendu 2012 pour la première réunion et cette année pour voir les deux camps se mettre sur la gueule. S'ils ne sont pas tous d'excellente qualité et si je ressens moi aussi une certaine lassitude, ils étaient suffisamment bons dans l'ensemble pour nous faire apprécier chaque individualité, histoire d'aller à l'essentiel sans trop rusher dans les films Avengers et que l'on se sente concerné quand éclate(ra) la guerre civile.
DC de son côté oppose ses deux héros principaux dès le deuxième long-métrage, puisque l'on part avec un nouveau Batman. Partant de là, quand on sait aussi les impératifs d'un blockbuster quant à tout faire péter, le déroulement ne pouvait qu'être chaotique ou incohérent tant il y avait à faire et il était donc d'autant plus logique que le film déçoive. C'est là mon principal problème avec le film : il fait deux heures et demi et j'ai quand même eu le sentiment d'avoir vu une intrigue accélérée ! Le montage en prend donc un coup, surtout au début, tandis que certaines scènes qui pouvaient être développées de manière intelligente et intéressantes sont sacrifiées puisqu'il fallait baliser le terrain pour l'affrontement Jesus Extraterrestre contre Chauve Souris Dépressive. Combat qui a de quoi décevoir, je pense notamment à sa résolution fort maladroite. De plus, la tristement célèbre bande-annonce faisant office de film résumé aura pris soin de nous prévenir que le combat final ne serait pas le mano à mano du titre mais la Justice League au régime minceur face à Doomsday. En résumé, un film victime du même syndrome que Iron Man 2 ou The Amazing Spiderman 2 : une bande-annonce à 200 millions de dollars pour les suites.
A ça, il y avait deux solutions : un film Batman rebooté avant ce long-métrage ou bien se contenter du conflit entre les deux super-héros et ne rien teaser sur la Justice League, sauf à la toute fin histoire de nous dire que nous avions bien vu « Batman vs Superman » et non pas « Justice League : introduction ». S'ils ont réussi à sortir autant d'argent pour celui-là, qu'est-ce qui les empêchait d'en avoir pour d'autres..
Ba(p)tême de feu
Mais vous savez quoi ? J'aime ce film ! Je ne vais pas faire comme si ce que j'ai souligné n'existe pas et je comprends tout à fait que tous ces soucis d'écriture, de cohérence ou de rythme aient fini par faire pencher la balance du côté négatif. Cela étant, je ne vais certainement pas nier tous les efforts accomplis. Depuis des années, on prend les super-héros au sérieux, chaque studio à sa manière. Or DC sembler aller plus loin dans la psychologie et les gars savaient que Christopher Emmerdeur Nolan avait mis la barre assez haute à ce sujet. Que faire pour éviter une redite ? Faire vieillir Batman et le rendre blasé, sinon déprimé, voire paranoïaque quant au monde actuel. Idée doublement payante puisque non seulement nous obtenons une approche différente du personnage (les fans feront un parallèle évident avec le comic The Dark Knight Returns), mais en plus avec le monde tel qu'on le connaît aujourd'hui, cette dynamique est d'autant plus justifiée et compréhensible et sert le ton très noir du film.
De plus, les question posées par le film, explicitement ou non, sont très intéressantes et prouvent, si besoin est, que les comics soulèvent des débats passionnants. Pour le coup, Superman prend une dimension assez importante et renforce le côté tragique du film et du personnage. Bien joué quand on sait qu'il est question d'un héros dont la seule faiblesse est en théorie une matière recouverte des fluides de Hulk. Enfin, si l'usage excessif d'images de synthèse reste une constante dans les blockbusters d'aujourd'hui (#jeunevieuxcon) et si tous les ralentis ne sont pas nécessaires (mais il paraît que Zack Snyder est un habitué), il faut avouer que certains plans ont la classe, les scènes d'action sont réussies (petite influence de la série de jeux vidéos Arkham à un moment ?) et le combat, en dépit de toutes ses limites et soucis scénaristiques, reste marquant et parfois flippant grâce à l'état d'esprit dérangé de notre héros en noir.
Au passage, à quel point est-ce ironique qu'à l'origine, Ben Affleck semblait le seul handicap de ce film pour qu'au final, on finisse par démonter à peu près tout sauf sa prestation ? J'avais un peu peur pour sa performance en tant que Batman à cause de l'une ou l'autre image le mettant assez peu en valeur mais il faut le dire, il est foutrement bon le salaud ! Si je continue à préférer Michael Birdman Keaton dans le costume, il fait parfaitement honneur à ses prédécesseurs en tant que Bruce Wayne et son implication fait plaisir à voir. Pour le coup, des films Batman avec Ben à la barre, je signe. Pour l'interprétation, il y a à boire et à manger. Henry Cavill m'avait déjà convaincu en Kryptonien malgré mon avis mitigé sur Man of Steel, il persiste et signe. Jeremy Irons est un très bon Alfred et ses remarques ironiques auront le mérite de détendre l'atmosphère et si elle n'a pas grand chose à jouer, Gal Gadot fait le boulot en plus d'être à tomber physiquement parlant . Hélas Amy Adams voit son rôle limité puisque Loïs Lane est la demoiselle en détresse telle qu'on la connaît mais la tournure du film me laisse penser que c'était un parti-pris et non de la fainéantise alors why not. Quant à Jesse Eisenberg, si ce cabotinage peut avoir un côté flippant tant on sent Lex Luthor au bord de l'implosion cérébrale à chaque scène, il est surtout fatiguant et comme le film ne lève pas le pied, cela ne joue pas en sa faveur. Bien essayé cela dit.
Superman est dans un Bateau... (OK j'arrête)
Je me retrouve donc face à un film bourré de défauts mais regorgeant également de qualités et j'ai plutôt tendance à retenir le positif quand il est suffisamment important et lorsque je ressens de la bonne volonté et une bonne intention. Il aurait pu être un simple teaser mensonger et s'il l'est sur certains aspects, il nous donne aussi un film de super-héros assez éloigné de la tendance actuelle, assez noir mais pour les bonnes raisons, qui comprend et respecte son matériau de base avec des interprètes impliqués, le tout très bien habillé en dépit d'une musique assez anecdotique. C'est déjà pas mal et s'il ne sera pas au panthéon des meilleurs films de super-héros en étant aussi inégal (on a connu des films Batman plus homogènes), je pense qu'il mérite le coup d’œil, notre attention et ne mérite pas ce bashing. Du moins, pas un tel bashing.