Je m'attendais honnêtement à aller voir une daube, ce soir là.
Entre les trailers qui ne teasaient que sur "l'affrontement"', faisant penser que ce serait le principal propos du film, le massacre dont le film avait fait l'objet dans la presse, et la conscience que les films de Snyder étaient souvent intéressants mais très bancals... Il me restait l'espoir d'un film pop-corn bourrin et esthétique. J'ai eu bien plus que ça.
[SPOILERS]
HEUREUSEMENT, l'affrontement Batman/Superman ne constitue qu'une infime partie de l'action, comme quoi, les bandes-annonces mensongères le sont parfois dans le bon sens.
Passée une intro très réussie qui pose (encore une fois, reboot oblige) les origines de Batman avec une esthétique "Snyderienne" (Cf: Les intros de "Sucker Punch" ou "Watchmen"), on suit l'évolution des deux protagonistes, confrontés tous deux à leur impopularité croissante et nourrissant une méfiance grandissante à l'encontre de l'autre.
Cette première partie du film est la plus réussie. Ben Affleck campe (brillamment) un Bruce Wayne las de lutter contre le crime, dépressif, aigri, violent. Si le Batman de Nolan affichait déjà une certaine complexité psychologique, celui-ci a presque basculé dans le camp des anti-héros. Snyder a fait le choix intelligent de ne pas se perdre dans de longs flashbacks et de privilégier quelques scènes, quelques dialogues, pour rendre compte de l'état de son personnage (la scène de destruction de Metropolis où Wayne se rend compte du danger représenté par Superman, les dialogues avec Alfred, la violence malsaine du justicier noir envers les criminels...). Petit bémol de cette partie: Snyder abuse VRAIMENT sur les filtres gris. On sait que c'est dark, tout nous le rappelle. UNE SEULE scène se déroulant le jour aurait évité de tomber dans la surenchère.
De l'autre côté, Superman fait face à ses doutes, à ses détracteurs qui le considèrent comme un imposteur, un "Dieu capricieux" de la Grèce Antique, capable de faire le bien et de semer le chaos.
Parfois gâchée par des scènes pseudo-émouvantes assez ridicules (le flashback avec papa Costner, les dialogues niais avec Lois Lane...), l'assise psychologique de l'Homme d'acier est assez réussie.
Lois Lane est d'ailleurs plus mise en avant que dans "Man of Steel" (où le personnage était traité de manière assez chaotique) et son enquête représente un réel intérêt.
Vient alors le grand méchant, en la personne de Lex Luthor (Jesse Eisenberg). Très décrié pour son jeu d'acteur monolithique et caricatural, Eisenberg ne m'a pas fait si mauvaise impression. Il y a une volonté de "Jokeriser" Luthor. C'est parfois très réussi, notamment quand Eisenberg cesse brutalement de cabotiner et devient grave, colérique, comme un gamin à qui on aurait retiré son jouet. La scène de l'attentat est d'ailleurs l'une des plus fortes du film (vraiment, s'il n'y avait qu'une scène à retenir du film, ce serait celle-ci) car elle révèle tout le vice du personnage, et l'étendue de son pouvoir de nuisance. Il arrive aussi que le personnage sombre dans le ridicule, notamment dans la scène où il fait chanter Superman en haut de son building qui est, selon moi, la scène la moins réussie, la moins crédible, bref, la pire du film. De plus, ses motivations restent assez floues. Utilise-t-il le "Superman bashing" pour créer ses armes de destruction à base de kryptonite? Veut-il simplement éliminer Superman qui lui rappelle sa condition d'être humain faible et incapable de tout contrôler? En tout cas, on sait qu'il es MECHANT. Voilà.
Cette première partie se clôt donc par le "combat de gladiateurs", bien réalisé, jouissif visuellement, mais peu crédible psychologiquement ("Attends faut qu'on parle!" "Non, je vais te tuer!" "Bon, alors je te défonce la tronche et on cause après!"...). Enfin bon, il fallait tenir les promesses du trailer.
J'en profite pour aborder le dernier bon point du film avant d'en venir aux réels bémols et lourdeurs de la seconde partie: les combats de corps à corps. Outre le combat Batman/Superman, on retiendra la scène où Batman va secourir la mère adoptive de Superman et dérouille de l'homme de main par paquets de douze. Snyder m'avait déjà fasciné de par sa manière de filmer les corps en mouvement dans "Sucker Punch" et il récidive ici, mettant en scène des combats fluides, violents, très lisibles....beaux.
Voilà voilà, maintenant il y a...le reste, et une grosse partie de ce reste, c'est Doomsday. Je ne suis pas un puriste de comics donc, les origines du personnage, peu importe. Mais c'était réellement ça le plan de secours du méchant le plus intelligent du Monde ? Un troll des cavernes indestructible? Hormis le cliché énorme du "boss final" qui arrive comme un cheveu sur la soupe alors que l'intrigue était écrite assez intelligemment jusqu'alors, c'est un prétexte assez mou et convenu pour teaser "Justice League". J'ai rien contre l'apparition de Wonder Woman dans ce film, mais cela aurait été bien plus fin et intéressant de ne la voir qu'en "civile" (à la soirée de Luthor, dans sa relation avec Wayne...) pour laisser le soin à "Justice League" de développer ses motivations, etc...
Du coup, la dernière partie du film se résume à une gerbe d'effets spéciaux, de la destruction encore plus massive que dans "Man of Steel" (je pensais pas ça possible mais...yep)... Ou comment conclure une histoire intéressante par du sous-Avengers (j'irai pas jusqu'au "Point Michael Bay", le "Point Godwin" du cinéma d'action, mais voilà...).
On ressort avec la migraine, un sentiment de déception contrebalancé par la certitude de ne pas avoir assisté à un massacre, loin de là, et le souvenir d'une très bonne première partie.
Beaucoup de haine pour rien.