Cary Fukunaga s’est rapidement imposé comme un conteur hors pair grâce à ses travaux précédents dont il fut scénariste ou réalisateur, en particulier la première saison envoûtante de True Detective. Il nous plonge cette fois-ci dans un univers tout aussi sombre et particulier en adaptant un roman d’Uzodinma Iweala exposant l’histoire d’un enfant soldat.
Lorsqu’on rencontre Agu, il n’est qu’un enfant dynamique et plein d’idées qui se fait de l’argent en vendant des biens tels qu’une « télévision imaginaire » qui n’est que la structure d’une télévision complétée par les pitreries d’Agu et ses amis jouant les programmes derrière un écran inexistant. Agu se décrit comme un bon garçon d’une bonne famille et nous le croyons aisément.
Tout ce qu’on sait du lieu du Beasts of No Nation est qu’il se trouve quelque part en Afrique, dans un pays en proie à une guerre civile. Bien vite Agu se voit séparé de sa mère après une attaque et est contraint de rester au village avec son père et son grand frère. La tournure des événements pousse Agu à fuir seul dans la forêt où il finit par se faire attraper par un groupe de jeunes rebelles menés par celui qu’on appelle le Commandant. C’est à partir de cet instant qu’Agu, sur les conseils prodigués plut tôt par sa mère, commence à parler à Dieu, conversation qui va permettre au spectateur de connaitre la façon dont il appréhende ce qui lui arrive et le décalage entre ses actions d’enfant-soldat et sa pensée. Lorsqu’il arrête de se tourner vers Dieu, nous comprenons alors qu’il n’est plus la même personne bien que sa volonté de renouer avec sa mère nous indique qu’il n’a pas encore perdu toute son humanité.
Si nous ne saisissons jamais les tenants et aboutissants de cette guerre, que nous ne savons pas qui se bat contre qui, l’incertitude et le manque de repère créés nous permettent de compatir avec Agu. Il a beau être un soldat dur au mal, il n’en reste pas moins un petit garçon qui espère revoir sa mère un jour.
Idris Elba joue le rôle du Commandant qui est à la fois une figure paternelle pour tous ces enfants, mais aussi un Seigneur de Guerre, voire un gourou qui a instigué un culte autour de sa personne. Sa présence est tantôt menaçante, tantôt rassurante et lorsque nous (ainsi qu’Agu) apprenons l’histoire complète de ses multiples figures nous sommes tout aussi écœurés que découragés.
Les performances d’Elba et du tout jeune Abraham Attah font de ce film une œuvre aussi fascinante que dévastatrice et la mise en scène de Fukunaga fait que nous gardons nos yeux collés à l’écran du début à la fin alors que plus d’une fois nous aurions aimé détourner notre regard.
Imparfait, notamment dans le scénario, mais marquant.