Révélé au monde avec son Henry V, Kenneth Branagh avait une dette envers Shakespeare, doublée d'une passion incontestable... Le revoilà donc avec ce qui pourrait bien être l'exact opposé des aventures guerrières du bon vieux Roi : une comédie pastorale échevelée.
Much Ado About Nothing est de ces pièces typiquement joviales, où chacun trouve sa chacune et les méchants punis. Le grand William y déploie cependant une astuce de taille : les armes des bons comme des vilains sont les mêmes. Supercheries, mensonges et calomnies vont faire et défaire les couples à chaque tournant ! Mais ce qui sépare Don John de son bon frère Pedro c'est sa volonté de nuire, de détruire, induite par un profond mécontentement de sa propre vie...
Sur ce canevas aussi linéaire que béton, Kenneth fait ce qu'il y a de mieux quand on adapte William Shakespeare : ne pas se prendre pour plus malin que lui ! Une dévotion qui fait du film une éclatante réussite et lui permet certaines libertés bienvenues.
Un casting hybride, pour commencer, piochant dans le fleuron de la scène britannique autant que des cadors hollywoodiens, et laissant Keanu Reeves incarner le frère de Denzel Washington sans que doute soit permis.
Emma Thomson est au sommet de sa féminité et Michael Keaton absolument parfait en Dogberry.
La photographie semble avoir absorbé la légèreté de la pièce. La caméra virevoltant entre les personnages, telle posée sur un nuage, est accompagnée d'une musique de Patrick Doyle, collaborateur de longue date de Kenneth qui prête ici ses traits et sa voix à Balthazar, l'humble troubadour de Messine.
Kenneth Branagh n'en a pas fini avec Shakespeare, une bonne portion de ses trouvailles de mise-en-scène trouveront leur chemin dans sa version d'Hamlet. Mais son Beaucoup de Bruit pour Rien reste celui que je préfère.