La vie, c’est parfois tout simple. Un voyage, un trajet anodin dans un train. Un couple se dispute sans que l’on sache pourquoi, et par le biais de ces quolibets sonores, deux inconnus croisent leur regard avec ce sentiment que l’on connait tous, celui de cette première effusion visuelle : avec la gêne que cela engendre et ce mystère que l’on a envie d’outre passer. Jesse est américain, beau parleur et râleur vagabond. Céline est française, romantique, et étudiante essayant d’œuvrer pour des causes sociales et culturelles qui lui sont chères. Un lien s’installe vite entre les deux.
C’est terriblement banal mais parfaitement identifiable. Ils passeront la journée ensemble à Vienne. Seulement cette journée. Après quoi, ils reprendront leurs vies, comme une main courante où le seul plaisir de nouer un souvenir éternel va devenir une envie de figer une réalité passagère. A partir de là, Before Sunrise montre peu de choses mais raconte le plus important, la première rencontre, ce coup de foudre qui n’en a pas l’air, cette première connivence qui change une vie ou une simple journée. Un destin que l’on prend en main, une simple volonté de se divertir, de passer une journée pas comme les autres quitte à ne plus y penser par la suite.
Richard Linklater minimalise ses effets visuels et narratifs pour suivre l’ombre de ses deux personnages qui discutent sans cesse jusqu’aux aurores, dans les moindres recoins de la capitale autrichienne. Chaque lieu est un prétexte pour évoquer un sujet, et plus le temps passe, plus le rapprochement est fort pour s’immiscer dans l’intimité de l’autre. La caméra en devient un personnage, un témoin invisible du premier émoi amoureux. Mais est-il réellement question d’amour dans Before Sunrise ?
Comme le dit Jesse, il est difficile de décortiquer le sens premier de l’expression « Je t’aime ». Durant le bilan, d’une pensée journalière, cette rencontre, c’est même plus que de l’amour, c’est un vide, une solitude, une individualité, qui pour une journée, s’extériorisera dans les yeux d’un inconnu comme un roman-photo, un ensemble d’instantanés qui leur restera en tête. Sans aucune facétie ni artificialité, le film en est presque monolithique, linéaire, va tout droit sans savoir où il atterrira, avançant petit à petit le long de ces dialogues qui ne s’arrêtent quasiment jamais.
Peut être parfois trop bavard, le long métrage a l’intelligence de savoir se jouer des silences et des non-dits comme durant cette merveilleuse séquence dans une cabine où nos deux compères écoutent un vinyle dévoilant un jeu de regard à la fois envieux et indifférent. Before Sunrise est le portrait amusé d’un couple du destin mais est celui aussi de deux êtres qui se délivrent l’un à l’autre sans se dévisager, parlant de tout et de rien faisant alors du film, un joli récit initiatique de l’amour.
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