L'écho des jours meilleurs

Un prélude à cette œuvre me semble indispensable afin de l'apprécier à sa juste valeur. Comme beaucoup de films réalisés dans des pays où il est scabreux d'inviter le politique dans l'artistique, vous ne manquerez pas de remarquer les coups de cisoires sur le montage. Comme vous l'avez compris, ce long-métrage va connaître les affres d’une longue bataille contre la machine à censurer Chinoise, qui résultera en la perte de scènes poignantes, au grand dam de la mère de Chen Nian par exemple.

Le prodige de Better Days suscite en moi cette curiosité : quel chef-d'œuvre aurait-il pu être sans les contraintes de cette guillotine politique et culturelle ?

Ce long-métrage s'impose comme une fresque cinématographique d'une acuité saisissante, explorant la dure réalité des inégalités sociales et les vicissitudes de l'adolescence marquée par le harcèlement dans un système éducatif Chinois aveugle où la course à l'excellence dérive inexorablement vers une tragédie d'amplitude nationale (cause principale de suicide chez ces jeunes). Puis c'est au milieu du drame, comme une oasis au centre d’un désert des plus arides, qu'une touche de candeur et de sensualité entre les deux protagonistes, presque contemplative, nous transporte, adoucit le fil conducteur et nous offre du répit face aux nombreuses scènes d’une effroyable brutalité.

Outre la délimitation adroite des scènes par les couleurs et la lumière, j'ai particulièrement apprécié la manière dont le film prend son temps. L'attention méticuleuse portée à l'éclosion progressive du scénario, au déploiement soigné d'un plan, à la maturation d'une émotion, d'une action, ou d'une sensation. Tout au long de cette œuvre, nous accompagnons nos protagonistes, caméra sur l'épaule, totalement immergés dans l'atmosphère psychologique oppressante et dans les sentiments polarisés de ces derniers.

Enfin, la bande sonore, discrète mais efficace, complète le ton du film sans jamais l'envahir. Elle soutient les moments dramatiques sans se montrer intrusive, permettant aux performances des acteurs et à la narration de toujours rester au premier plan.

En dépit des entraves de la censure qui ont assombri une portion de sa grandeur, Better Days s'élève comme une œuvre poignante, magnifiquement réalisée, se situant à l'intersection d'une critique sociale et politique mais également d'un récit du passage à l'âge adulte dans une société où les différences sociales ne font qu'exacerber la brutalité de la nature humaine. Une réalité qui, même à 13000km de notre pays, nous fait adresser toutes ces questions urgentes, brûlantes d'actualité, qui devraient résonner bien au-delà des frontières culturelles de l'empire du milieu.