Pourquoi l’un des plus beaux, des plus originaux, des plus visionnaires biopics sur un chanteur américain est-il ainsi condamné à l’oubli ? Une œuvre qui porte en germes toutes les qualités tant dramatique qu’esthétiques relatives par exemple à Rocketman, une œuvre qui sait rendre hommage aux grands films musicaux, des productions de Broadway aux films de Jacques Demy, sans oublier d’imposer son style, sa vision de l’artiste et du cinéma en général. Beyond the Sea doit être (re)découvert. Car au-delà de brosser un très beau portrait du crooner américain lui aussi méconnu, Bobby Darin, il atteste un amour pour le cinéma qui inspire chaque plan, chaque scène, et construit son récit dans un savant dosage de l’intimiste et du show, en entremêlant les deux de façon vertigineuse. Le film crée de la légende à partir des outils mêmes dont dispose le cinéma pour émerveiller, transformer la banalité d’un destin glorieux en puissance imagogène extraordinaire. Et les partis pris artistiques s’assument comme tels, explicitement cités dès l’ouverture par l’enfant s’adressant à son reflet adulte et exhibant les déformations exercées sur la vie « réelle » de Darin. L’art saisit ce qui, chez le chanteur, est utile à sa légende, l’art lui donne accès à l’immortalité par le biais d’une œuvre amenée à faire date, et néanmoins méconnue. Refusons la damnatio memoriae et laissons-nous porter par Beyond the Sea qui dépoussière la fiche biographie si souvent en usage dans les films actuels – pensons à Bohemian Rhapsody – et offre à Kevin Spacey l’occasion d’immortaliser l’artiste par un art qu’il connaît, de l’autre côté de la caméra : le cinéma.