J'aime beaucoup Jean-Pierre Jeunet que ce soit celui du début avec les films qu'il a co-réalisé avec Marc Caro , Delicatessen - La Cité Des Enfants Perdus, comme celui d'après avec Amélie Poulain - Un Long Dimanche de Fiançailles et même Alien Résurrection. Même si ces derniers films Micmacs à Tire Larigot et TS Spivet étaient un peu plus décevants, j'attendais beaucoup de son grand retour (certes sur Netflix) avec cette comédie de science fiction malgré des premiers avis critiques glaciales. Alors oui BigBug est sans doute et malheureusement le pire film de son réalisateur il convient pourtant de nuancer un peu la cruelle déception.
BigBug nous plonge avec plusieurs personnages qui se retrouvent prisonniers d'une maison futuriste hyper connecté après que l'intelligence artificielle ai décidée de les protéger d'une révolte d'androïdes à l'extérieur. Avec l'aide de quelques robots domestiques, les occupants vont tenter de retrouver leur liberté.
Je vais commencer par l'aspect visuel du film dont la particularité semble rebuter pas mal de monde. Il est vrai que Jean-Pierre Jeunet semble avoir opté pour une approche retro-futuriste pop acidulée et très colorée ce qui donne la sensation d'être dans un sitcom des sixties tout autant que dans un univers futuriste synthétique. Dans cet univers et cette optique les effets spéciaux semblent adopter le même moule entre futurisme et tradition un peu ringarde (un peu à l'image de la deudeuche verte volante) en étant tout à la fois assez réussi comme pour certains androïdes domestiques et parfois plus discutables comme les incrustations assez limites des voitures. Visuellement le film ne me choque pas beaucoup plus qu'il ne me révulse les orbites, le parti pris de Jeunet me semble relativement cohérent et nous change un peu des intérieurs futuristes aussi immaculés que des cliniques. Je regrette par contre de ne pas retrouver toute la poésie dont était capable le réalisateur qui nous propose ici un univers assez froid et lisse même si encore une fois il est légitimé par ce futur aseptisé, propre et normalisé.
Je serais bien plus critique sur le fond et sur ce que nous raconte finalement BigBug c'est à dire pas grand chose. L'enfermement des personnages dans cet espace hostile donne au mieux une sensation de huis clos mais au pire l'impression de se retrouver dans une pièce de boulevard voir un sitcom un peu vieillot. Car le problème majeur de BigBug c'est que les personnages sont bien trop caricaturaux et que leurs interactions reposent le plus souvent sur des vieux ressorts de vaudeville pas très finaud. Hormis Claire Chust assez drôle en ravissante idiote même si le personnage est déjà vu mille fois et Alban Lenoir convaincant en androïde amoureux et un peu con le reste des personnages est au mieux transparent , au pire assez agaçant. Que ce soit Youssef Hadji et son accent marseillais, Stéphane de Groodt au registre minimum, Isabelle Nanthy en chaussons dans un rôle sur mesure ou Elsa Zylberstein qui en fait des mégatonnes il est difficile de s'accrocher au moindre personnage du film. Seuls les deux adolescents interprétés par Marysol Fertard et Helie Tonnat semblent un peu plus naturels et avec indulgence mais aussi parce que je les aime beaucoup je retiendrai aussi les "performances" de Claude Perron et François Levantal en androïdes. On ira finalement rechercher plus de satisfaction du côté des quelques participations amicales de seconds plans qu'auprès du casting principal. Et puis surtout BigBug est une comédie pas très drôle et totalement dénuée de poésie et d'émotion ce qui faisait tout de même toute la singularité des précédents films de Jeunet.
BigBug est donc un film qui nous parle du futur, des dangers de la domotique, des intelligences artificielles, de la robotisation de nos pensées, de nos dépendances aux nouvelles technologie mais finalement rien de vraiment nouveau ni pertinent sous le soleil de la science fiction et de l'anticipation. On sent que Jean-Pierre Jeunet et son scénariste Guillaume Laurent ont voulus faire un film dans l'air du temps qui brasse large entre réchauffement climatique, cause animale (les apartés montrant des humains traités comme des animaux sont assez consternants), Covid, abrutissement des masses mais au bout du compte le film ne fait que semer des pistes au fil d'un récit qui n'aura finalement aucun véritable point de vue. Et même si il reste deux trois idées amusantes comme cet écran géant qui vient vous vanter des choses à acheter dès que vous avez un soucis ou une minuscule pensée consumériste, dans l'ensemble BigBug ne s'attaque à rien, ne mord aucun mollet et reste une bien trop gentille fable sur les relatifs dangers du futur technologique le tout emballé dans un sitcom acidulé.
Grosse déception donc pour le Jeunet nouveau qui ressemble à une interminable comédie pas très drôle. Je n'irai pas chercher dans le budget alloué par Netflix des circonstances atténuantes puisque les plus grands défauts du films viennent de son écriture qui me semble vraiment bien paresseuse. Il reste à espérer que Jean-Pierre Jeunet n'a fait que bugger temporairement et qu'il va remettre ses logiciels à jour pour nous offrir à nouveaux de jolis films.