Un écrivain accompagné de sa femme et son fils devient le gardien d'un hôtel fermé pour l'hiver sur une île paumée et isolée du monde. Si le pitch vous dit vaguement quelque chose c'est tout à fait normal puisque Biri Beni Gözlüyor réalisé par Omer Ugur n'est rien d'autre que la version turque de Shining.
Biri Beni Gözlüyor se range malheureusement dans la catégorie des relectures chiante et neurasthénique des classiques du cinéma américain passés à la moulinette turque, bien plus en tout cas que dans celle des bon gros nanars qui carburent au n'importe quoi bien jouissif. Si Biri Beni Gözlüyor comporte bien assez de similitude avec le classique de Stanley Kubrick et Stephen King pour que l'inspiration soit plus qu'évidente il s'en éloigne aussi très largement offrant une (re)lecture que j'oserais qualifier de plus personnel. On retrouve donc l'hôtel isolé même si il ressemble plus à un Campanille de bord de mer qu'à l'impressionnant Overlook, un climat hostile même si l'hiver et la neige sont remplacés ici par une tempête marine, un écrivain tapant la même phrase sur sa machine à écrire et un passé trouble avec un hôtel non pas construit sur un cimetière indien, mais sur la tombe d'un marin pêcheur. Par contre pas de pouvoir surnaturel pour le gamin de l'histoire, Ufuck (le Danny local) étant un gosse des plus ordinaire qui n'a même pas de tricycle, pas non plus de flots de sang qui se déverse des ascenseurs, pas de chambre mystérieuse avec une vieille à poil, ni de gamines flippantes dans les coursives de l'établissement. Le moins que l'on puisse dire c'est que Biri Beni Gözlüyor fonctionne tout à l'économie avec un pauvre décor platement mis en image et des personnages qui n'ont pas une once du charisme de leurs illustres modèles, le tout dans une ambiance morose incapable de créer le moindre début de frisson y compris lorsque le film utilise le mythique thème musicale de Psychose en espérant faire illusion. Inutile également de préciser qui niveau mise en scène Omer ugur est à Stanley Kubrick ce que Trois Cafés gourmands est à Pink Floyd pour la musique.
Pour s'amuser il reste donc à jouer au jeu des 27 000 erreurs pour voir ce qui différencie Shining de Biri Beni Gözlüyor. C'est dans la résolution finale de l’intrigue que le film de Omer Ugur se distingue assez radicalement de son modèle en proposant quelques petites idées finalement pas désagréables. La première est de laisser planer le trouble et un doute pour savoir laquelle des deux composantes du couple est en train de devenir la plus cinglée et dangereuse des deux. Et quitte à spoiler un peu (En même temps à part moi qui a envie de regarder une version turque de Shining qui sent la marée basse?) le sort réservé au petit Ufuck (on prononce Oufouk et nom You fuck) est bien moins enviable que celui de Danny dans Shining et c'est même globalement le pire des personnages qui va finalement s'en sortir le mieux. C'est loin d'être suffisant pour faire de cette relecture soporifique et imbuvable un film regardable, mais au moins on ne pourras pas dire que le film n'apporte pas sa petite touche personnelle à l'histoire.
Biri Beni Gözlüyor est donc terriblement mauvais à pratiquement tout les niveaux et même pas drôle pour s'en excuser. Le film de Omer Ugur se regarde donc par masochisme comme une curiosité étrange, un Shining low coast filmé avec la platitude d'un roman photo et l'esthétique d'une télénovela portugaise des années 70.