Malmené par les dirigeants de la Columbia sur le tournage de Double Team, Tsui Hark s'est d'abord vengé en leur livrant Knock Off, puis les a humiliés avec Time & Tide. Allait-il en rester là ? Non. Rien de tel qu'un coup de grâce pour sereinement passer à autre chose...
En bon punk qu'il est toujours, il va les voir en faisant miroiter un succès garanti : Black Mask 2.
Comment ? La suite de Black Mask 1, qui a traumatisé le box office HK en son temps et révélé Jet Li au monde entier ? Oui, celui-là même. Ils ont des dollars dans les yeux, les bougres, loin de se douter de ce qui les attend...
Et Tsui Hark fait pondre au duo de scénaristes Français Julien Carbon et Laurent Courtaud un scénario absolument improbable, avec entre autre des catcheurs et des manipulations génétiques, que les pontes de Columbia vont imposer de réécrire à leurs frais.
"Aucun problème !" leur annonce-t'il, et quand la version révisée lui parvient et qu'il a le feu vert pour tourner... Il fout le script en l'air, rappelle le duo de Frenchies pour improviser le tournage au jour le jour.
Fasciné par le caractère factice et préfabriqué de ces héros à l'américaine, Tsui Hark empile les scènes impensables avec la frénésie que l'on sait. Le résultat : un film fou, anormal, complètement malade avec, comme promis, des catcheurs génétiquement modifiés. On a l'homme lézard, la femme caméléon, l'homme plante... et Black Mask lui-même devient homme tigre ! Ce bestiaire s'offre des combats à dos d'éléphants, d'autres suspendus à des filins ( le Wire-Fu le plus honnête que j'ai jamais vu ! ) et le final sur les statues à l'effigie des catcheurs-animaliers... Bref ça sent le fauve.
Un plan en particulier vient exprimer tout l'esprit du film... D'habitude, quand une scène se passe dans un bar, on commence systématiquement sur un plan d'un type qui réussit un coup de maître au billard avant que la caméra se déplace sur les héros. Dans Black Mask 2, Tsui Hark se paye le luxe de faire le même plan, sauf que le début au billard est pathétique : la boule blanche évite soigneusement tout contact avec les autres boules !
Dans la vie on n'obtient pas toujours ce qu'on veut, quoi...
Mais le grand Tsui ne saurait se satisfaire de simplement troller le Studio. Son manifeste anarchiste, il va le saupoudrer d'une vraie réflexion sur le commerce des Super Héros.
Black Mask, premier du nom, était une curieuse tentative d'amener les codes et les poncifs américains sur une esthétique purement HK. Le deux va donc explorer l'inverse : quand les américains s'approprient l'esthétique Chinoise. Une scène géniale montre les promoteurs de catch breveter le Black Mask et menacer l'authentique Black Mask d'un procès pour plagiat !
Certains disent du film qu'il faut le voir au millième degré pour aimer... Moi, le deuxième me suffit amplement.