Netflix, télécommandez votre vie

Attention ! Critique avec beaucoup de spoilers !

Je ne vais pas demander si vous avez déjà joué à un jeu Telltale, parce que d'une part je n'en ai jamais joué et d'autre part, les films interactifs ne sont absolument pas nouveaux. Cela dit, proposer un épisode spécial à la série Black Mirror comme un film interactif était dans le prolongement du concept de la série. En effet, cette fois, on sera vraiment un personnage du film. Et si au départ, je trouvais le film sympathique dans son concept mais décevant pour son scénario, je trouve avec du recul que le film est un épisode qui est vraiment dans la lignée des meilleurs épisodes de la série (malgré quelques déceptions).

Donner du travail à David Slade !

Le réalisateur de l'épisode est David Slade. et je connais assez mal le réalisateur et son style. Il a réalisé l'assez décevant épisode 5 de la quatrième saison à savoir Metalhead. Je ne sais pas ce que vaut son Hard Candy à savoir le thriller avec Helen Page qui est une version inversée du Petit Chaperon Rouge mais quand on sait qu'il a malheureusement fait l'épisode "le moins pire" de la saga Twilight à savoir le 3. Voilà. Mais là où dans Metalhead, l'épisode ne valait le coup que parce qu'il était en noir et blanc, ici il a pas mal de bonnes idées de mise en scène. Ce qui est bien est l'exécution des choix multiples. En effet, autant faire son sort d'amblé, l'histoire n'est pas intéressante en tant que telle (mais on y reviendra) car en réalité, on fait parti de cette histoire. C'est un film plutôt méta où le jeu que conçoit Stefan est en fait l'épisode lui-même. Les différents montages alternés sont plutôt cool afin déjà de mettre en place le jeu avec un tutoriel et un début qu'on ne peut voir qu'une fois

Il y a aussi des scènes qui n'influent pas vraiment sur le déroulé de l'histoire

Pour le reste, le film est constamment fait de choix qui mènent à 3 vraies fins possibles mais avec des déroulés différents. Oui, j'ai bien dis 3. En réalité, il y a bien plus de fin, mais on se retrouve dans une impasse qui nous fait revenir en arrière.

Ou des choix impossible à faire

Bien évidemment, il y a beaucoup d'easter egg dans le film, comme le jeu de Colin qui a le visuel du robot de Métalhead, le jeu qu'il créé est Nozediv, l'hôpital est San Juniper, le symbole des choix multiples est le même que ceux de l'épisode la chasse etc etc...

Les seules réelles faiblesses du film sont les personnages qui se révèlent assez creux, mais dans le cadre de l'épisode , c'était un défaut prévisible.

Stefan le psychopathe

Stefan (Fionn Whitehead de Dunkerque) est un programmeur faible psychologiquement qui s'en veut et en veut surtout à son père de la mort de sa mère. C'est le personnage qu'on dirige. Au début, il se rend bien compte que ce sont nous qui le dirigeons mais le film distille intelligemment que la connexion se fait à cause soit de son état mental, soit à cause du livre Bandersnatch dont il adapte en jeu. Il devient de plus en plus obsédé qu'on le contrôle au point que certains choix le feront croire qu'en faite soit ce qu'il vit pourrait être dans sa tête, soit il en est là à cause nous, soit à tout est une manigance d'une société secrète appelée P.A.C.S.

L'autre personnage bien cool est Colin (Will Poulter). C'est un programmeur et disons le tout court : il est le Bandersnatch. Il s'agit du seul personnage qui se souvient des multiples retry qu'on fait dans le film. Il est conscient du faite qu'il se trouve malgré tout dans un film et ça se voit. C'est même très peu subtile de ce coté là. Ah et il est aussi en couple et père d'une fille Pearl Ritman

Les autres personnages sont très secondaires et très fonctions : On a le père assez ambiguë (Craig Parkinson) qui semble vouloir le bien de son fils mais dont on ne sait pas vraiment s'il était trop stricte ou s'il n'est pas celui qu'il semble être, la psychiatre Dr Hayne (jouée par la célèbre actrice de Prevenge Alice Lowe , je trouve ça géniale. Et c'est aussi l'assistante de Timothy Dalton dans Hot Fuzz), le directeur de la société de jeu Tuckersoft Mohan Thakur (Asim Chaudhry) qui est à la fois cool mais aussi qui a des impératifs de distribution. Et le reste. Comme le critique de jeu, la fiancée de Colin, la dame de la cassette vidéo (oui on est en 1984, j'avais 3 ans à l'époque).

Mais le vrai personnage, bah c'est nous en faites. On est celui qui contrôle Stefan comme un sadique, mais comme tous films interactifs, le choix sont limités (voir très limités)

Et si l'histoire n'était pas celle qu'on croit ?

Du coup, on va dire d'ambler comment est l'histoire. Elle n'est absolument pas extraordinaire si on s'en tient au scénario. C'est l'histoire d'un programmeur qui se rend compte qu'il est contrôlé par des forces qui le dépassent. Si on essaye de trouver une fin heureuse, bah on perd et le film nous demande de recommencer. Si on arrive à l'une des 3 fins, on gagne mais le film nous demande si on veut recommencer et si on fait 2 des 3 bonnes fins, le film s'arrête. Ma théorie est que la meilleure des fins est celle là dans l'ordre

Néanmoins, la 3e fin n'est déblocable qu'en faisant la pire des actions. Sinon, on aura que les 2 premières.

Et cela explique pas mal de choses, comme la figure du Bandersnatch qui n'apparaît que si on fait certains choix et non d'autres. Que le faite qui si on change certains détails en amont, cela aura des répercussions en aval.

Du coup, il n'y a pas de vrais chemins dans le film; ils sont tous vrais car comme dans l'histoire, nous avons aussi l'illusion du choix (surtout que plusieurs choix nous demande de prendre la moins pire et que le meilleur de choix nous fait terminer prématurément l'épisode).

Le plus parlant est la partie la plus fun mais obligatoire qui est la partie Netflix. D'une part, on peut croire que cette partie n'est qu'un délire passager avec plein de scènes d'actions. Le problème est qu'il s'agit d'un passage obligé pour avoir une vraie fin qui ne nous demande pas de recommencer. Là où d'un coté on passe par le P.A.C.S et l'autre par le symbole de l'épisode White Bear (ou la Chasse). Bref, on a le choix entre la folie ou le complot. Ouais c'est du choix. Mais au bout d'un moment, si on veut profiter du film activement, on est obligé de passer par ses 3 choix. Là où le passage d'un seul de ses choix nous donne une fin où le film nous demande d'arrêter l'expérience ou de la refaire. D'autres penseront que le passage obligé se situe en amont comme le fait de suivre Colin ou non ou le choix entre prendre la photo de famille ou prendre le livre permettant de coder; voire même le choix de faire part ou non à la psychiatre des événements du passé. Mais bien qu'on a effectivement du retry à ses endroits là, ce ne sont pas ceux qui détermineront vraiment la suite. Parce qu'au bout d'un moment, évidemment qu'on fera des choix différents. Mais si on effectue les mêmes choix, on sera obligé de revenir à certains points. Mais une fois que l'une des 3 fins est atteinte, on en vient toujours à passer par ce point là (sauf moi la première fois où j'ai choisi de suivre Colin). En clair, on prend une part active dans le scénario malgré l'aspect illusion du choix qu'on fait. Sachant que si on fait les mauvais choix, Stefan voudra recommencer et si on fait les bons choix, Stefan se rendra compte qu'on le manipule. Par conséquent, l'histoire de base n'est absolument pas l'histoire du film. L'histoire est en réalité un bras de fer entre Stefan et nous avec nous à la place de la créature qui manipule Stefan et Colin qui joue les arbitres (ou , les PNJ marchent aussi).

Bon épisode de transition

Black Mirror : Bandersnatch est un très bon épisode spécial qui nous fait prendre une part active au film. Cela ne conviendra pas à tous le monde si on s'en tient à la stricte banalité de scénario ou au concept que certains trouveront vraiment abusés voir vraiment exprès pour faire vendre. Sauf que non car il entre clairement dans l'esprit de Black Mirror . Là où les épisodes essayent de montrer les effets des écrans sur les personnages, ici l'épisode montre les effets des écrans sur nous. Il nous met à la place du monstre. Oui, le vrai monstre n'est pas la créature qu'on retrouve dans certaines séquences mais bel et bien nous qui manipulons la vie de Stefan. Cela explique pourquoi, la plupart du temps, nous n'avons que 2 choix et pas des plus positifs (sauf la partie Netflix). Le film nous montre qu'on a toujours l'illusion du choix et qu'aucun n'est sans problème. Même dans ce cas là, tout est problématique

Certains verront aussi une métaphore des artistes mais là aussi c'est une illusion (à moins que Charlie Brooker déteste les artistes en les prenant pour des fous qui s'ignorent , n'est-ce pas l'auteur de Conan le Barbare ?). Par contre, j'ignore ce que Charlie Brooker préparera pour la saison 5 de Black Mirror après une saison 4 plutôt décevante dans sa globalité, mais j'ai hâte.