Hommage à Chadwick Boseman
Son peuple ne l'appelle pas général ou roi. Il l'appelle Kukulcan. Le dieu Serpent à Plumes. Le tuer entraînerait une guerre sans fin. Un hommage, une réussite, une déception Après le décès...
le 17 nov. 2022
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Black Panther a marqué son époque. Le succès surprise du MCU n'est pas un simple blockbuster, il est le porte-drapeau d'une importante demande de représentativité culturelle à Hollywood. La preuve, si il en fallait une, que les productions à grande échelle peuvent dialoguer avec un public réceptif aux évolutions des mœurs, et qu'en retour, celui-ci constituera un solide client pour le peu qu'il puisse accueillir une volonté d'évolution de la part des studios. Il y a un avant et un après Black Panther, il y a un tout nouveau contexte à honorer.
Une responsabilité terriblement révélée par le décès prématuré de Chadwick Boseman, propulsant ce pan de l'univers Marvel vers une galaxie hors de ses proportions habituelles, loin de ses prétentions de divertissement. Si le Wakanda doit poursuivre son chemin, son prochain film ne doit ressembler à aucun autre.
Comme l'a déclaré Ryan Coogler, la présence de son ami se ressentait derrière chaque étape de la production. Le décès hors-champ plonge les premières minutes dans un silence assourdissant que seule la procession festive célébrant le départ du roi peut briser, pas même le logo remanié en son honneur. Le message est clair: Black Panther: Wakanda Forever sera une élégie, un dernier hommage qui témoignera de l'importance de son passage dans la vie de ses personnages et de la population, fictive et réelle.
La transition est aussi violente que sa cause. Une année passée nous montre un royaume privé du secret de sa toute puissance, un échiquier mondial recontextualisé par un rapport de force à la limite de la guerre froide entre les nations envieuses et une reine endeuillée faisant reculer tous les progrès accomplis. Le Wakanda que nous avions vu fringuant et plein d'espoir s'est replié sur lui-même dans une torpeur à mille lieues des promesses laissées par la main tendue du précédent monarque. Seule une menace plus terrifiante dans une perspective de guerre ouverte peut le pousser à sortir de sa hantise et redevenir la superpuissance inspirante qu'elle était censée être, à l'instar de son héroïne: Shuri.
Véritable pile électrique d'inventivité et de bonne humeur, la révélation du premier film reflète le désespoir dans lequel s'est enfermé le pays par son changement radical d'attitude. En colère, incapable de pleurer son frère et ne consacrant son temps qu'à perfectionner gadgets et armes de défense. Quelque soit le chemin qu'elle prendra, le sort du Wakanda est invariablement lié à celui de sa princesse. Le contact des personnages secondaires devient primordial pour lui permettre de faire les choix qui scelleront le futur du pays et de ses habitants.
Car les enjeux de Black Panther: Wakanda Forever sont à l'échelle d'une nation. La Panthère Noire, le protecteur déifié du Wakanda a disparu et ne réapparaîtra pas. Le peuple qu'il protégeait doit maintenant s'affirmer et prouver sa valeur pour sauvegarder la paix du monde menacée par une nouvelle puissance capable de le mettre à genoux: Talokan, empire aquatique en tout point identique au Wakanda, jusque dans son utilisation du vibranium et l'existence d'une figure démiurgique: Namor.
Les deux nations sont mis face-à-face par une mise en scène valorisant les traditions et les symboles, les rapprochant et les démarquant à la fois (un enterrement pour l'un, une naissance pour l'autre, saluts de reconnaissance et personnification animalière de leurs mythologies respectives), les plaçant dans des positions idéologiques fondamentalement opposées dans lesquelles aucun choix ne peut être fait sans conséquence d'envenimer le conflit et de semer la mort dans les rangs adverses. Ce sont pourtant les gestes de paix et de partage disséminés tout au long de l'histoire qui débloqueront la situation et ouvriront une nouvelle voie pour les deux peuples et leurs dirigeants.
Le grand leader que doit avoir le Wakanda, c'est en Shuri qu'il se révèle. Témoin de morts, de destructions aveugles, de souhaits brisés et de promesses rompues, la princesse se voit obligée d'accepter les changements définitifs que cette guerre a causé dans sa vie quand, après avoir enfin récréée la fleur qui lui permettrait de trouver du réconfort auprès de sa famille, elle ne peut revoir que la figure du destructeur, la confortant dans une démarche vengeresse la conduisant à adopter le symbole de son pays à seule fin d'accomplir sa vengeance. C'est lors du moment fatidique où elle doit porter le coup fatal à son némésis qu'elle prend conscience du poids qui pèse sur les deux souverains et qu'ils portent tous-deux le fardeau de restaurer la paix. L'héroïne endosse alors dignement son rôle de dirigeante et fait le deuil de ceux qui l'ont quitté.
Les moyens mis à disposition sont à la hauteur des ambitions. Une durée exceptionnelle de 2h40 suffisante pour s'immerger dans chaque direction que prend l'intrigue de façon équitable et valorisant l'effort collectif à l'échelle des peuples; une direction artistique aux airs d'Avatar conjuguant inspirations africaines et mésoaméricaines; une intrigue qui raréfie les allers et venues à travers le monde culminant vers des arènes de plus en plus sauvages et une conclusion calme et posée reposant sur la seule humanité de ses têtes d'affiche.
Le cas est exceptionnel, mais Black Panther: Wakanda Forever franchit des paliers que le studio ne pouvait atteindre sans l'impulsion d'un artiste prêt à bousculer ses conventions. Reste à savoir si il restera un cas isolé. Car en plus d'être un excellent film, il s'agit surtout d'un vibrant hommage en l'honneur d'un homme fait à son image, sincère, fier et qui restera dans les mémoires pour toutjours.
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Créée
le 10 nov. 2022
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