Un film bien qui se fait passer pour un mauvais film

Ce film est particulier, il est (un peu à l'image de Collateral de Michael Mann) à la fois excellent et en même temps très plat. Je n'arrive pas vraiment à me l'expliquer, mais j'ai l'impression que le concept pouvait être poussé beaucoup plus loin tout en ayant vu un film très solide.

Pour commencer, ce scénario est très prévisible, on devine comment tout le film va se dérouler en ayant vu les 20 premières minutes. Beaucoup de personnages sont vraiment clichés et agissent parfois en suivant de très grosses ficelles scénaristiques. Quelque chose qui m'a marqué c'est que cette mise en scène et cette réalisation, acclamée pour sa maîtrise, me fait ni chaud ni froid, je trouve la mise en scène, l'éclairage, et le découpage vraiment typés série-télé, avec aucune ambition de raconter par l'image, seulement de montrer ce qui doit être montré. De plus, si l'intention était de donner une atmosphère claustrophobe au film, je trouve ça raté tant le film regorge de plans montrant le sous marin de l’extérieur, pourrissant, diminuant tout au moins, ainsi l'enfermement ressenti lors du visionnage du film. Je dois admettre que j'ai trouvé une scène (un enchainement de deux plans) un peu belle, c'est quand Jude Law regarde une dernière fois le ciel avant de rentrer définitivement dans le sous marin, je n'arrive pas à me décider si il était mieux de ne pas montrer le ciel ou si le film est très bien comme ça mais voilà, c'est la seule idée de mise en scène dans le film (je trouve)....

Cependant, avec tout ses défauts (qui seraient capable de tuer n'importe quel film sans ambition), il faut reconnaître que ce film est... un excellent roman, du moins un très bon thriller dont les idées sont, une nouvelle fois, différentes de la moyenne sans être originales. Pour ce qui est des personnages clichés, je trouve que le film tient en fait un propos du style "on ne change pas une personnalité" très nihiliste et surprenamment bien exploité je trouve. Cette idée est diffusée notamment au travers des personnages de Ben Mendelsohn et Scott McNairy, concrètement : le fou qui décide de se tenir à carreau et le comptable qui pour une fois ne pense pas à la mettre à l'envers à tout le monde (à l'inverse d'Alien 2 et 4 par exemple), il veut juste sauver sa peau. Le premier c'est le fou de service, égoïste et tête brulée. Il fait une connerie et décide de se tenir à carreau, se rend indispensable, ne discute plus et met ses compétences au service du groupe. Malheureusement, sa frustration et les interactions avec les autres le pousseront à commettre l'irréparable une nouvelle fois, sauf que le vie ne te donne pas de secondes chances indéfiniment, et cela causera la perte de tous les autres. On a grosso modo le même schéma pour le comptable : il est censé s'en faire plein les poches et doubler tout le monde, et c'est la que ce film va plus loin que les autres films présentant des personnages similaires, lui aussi fonctionne comme un oscilloscope : le personnage tient à la vie des autres, il fait marche arrière et laisse tomber l'argent qu'il doit se faire pour sauver trois inconnus (la ou dans le blockbuster lambda il aurait pris l'argent et les aurait planté), révèle son secret au capitaine et en assume les conséquences. Malheureusement, comme pour le personnage de Ben Mendelsohn, on a un revirement de situation, dès qu'il sent quelqu'un d'autre se comporter de manière contre productive (en l’occurrence le capitaine), il "redevient" à son tour égoïste, manipule, laisse tomber les autres, panique et meurt. Je trouve ce traitement vraiment d'une ironie dramatique assez remarquable (bon évidemment y'aura toujours pire, mais ça reste selon moi très intéressant), d'avoir les clichés qui décident de se débarrasser de leur défauts, et qui, même pas par leur faute, retombent dedans à pieds joints. Dans cette même veine on a aussi le personnage de Jude Law qui oscille, se perd et vagabonde dans tous les états possibles et imaginables. Bref, on explore la psychologie des personnages de manière efficace et différente du film d'aventure lambda. Un autre pseudo cliché évité est celui des personnages principaux et de qui survit/meurt. Bon, évidemment on ne passe pas à coté de certains motifs récurrents : le gamin s'en sort, le gars qui maintient tout le monde à peu près en état de marche est le premier à crever et j'en passe. Cependant, le seul autre survivant est un type qui a trois ligne de dialogues et dont la psychologie est pour le coup pas du tout développée. De plus, passé le premier tiers du film, aucun personnage n'est un personnage fonction, on a juste des gens (interprété par des acteurs qui ne se ressemblent pas), dont on explore la psychologie ou non, qui survivent. Je rajoute aussi un dernier point positif par rapport aux clichés détournés, je trouve la fin pour une fois plutôt touchante, avec Jude Law qui trouve un fils de substitution en la personne du gamin (et ici ça marche, contrairement à Aliens, parce que Jude Law a vécu un temps avec son fils, le connaît et connaît la sensation de donner son expérience à quelqu'un, là ou Ripley n'a concrètement pas connu sa fille morte, elle a même l'air surprise d'apprendre qu'elle avait une fille donc ça ne fait aucun sens), et place en lui toute son énergie, son but est assez explicite : "sauver le gamin et lui donner l'or pour qu'il puisse vivre la vie que j'ai raté". Et je trouve que ça rend son sacrifice consistant, sachant que lui avait tout perdu, contrairement aux blaireaux dans le dernier King Kong ou La Grande Muraille ou on a concrètement des fausses séquences émotions vraiment moisies...

Donc en ce qui me concerne, les qualités cités au dessus et leur consistance parent selon moi tous les défauts du démarrage (vraiment nul, même si on a Tobias Menzies) du film.

Autre point très rapide, la musique est on ne peut plus oubliable, voire même ouvre trop sa gueule dans la première partie du film, mais avec l'avancement des choses et le film prenant de la consistance, elle se rend moins gênante. J'irai jusqu'à dire que les musiques comme ça sont bien dans les vrais films (comme celui ci) et que les utiliser pour faire des thriller plats et pas originaux pour trois sous est du gâchis...

GrummanF4F
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le 26 oct. 2022

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