La référence de la science-fiction
Adapter Philip Kindred Dick semblait une gageure. Mais Ridley Scott l'a fait, avec brio. Reprenant le roman dans les grandes lignes en supprimant ce qui aurait alourdi cette version cinéma, il garde l'univers sombre et la réflexion sur l'humanité si chers à Dick. En s'assurant en plus les services d'un casting absolument impérial, Ridley Scott s'offre une adaptation sublime, doublée de l'un des meilleurs films de science fiction de tous les temps (voire le meilleur?). D'autres ont tenté d'adapter Dick, mais personne n'a fait aussi bien, que ce soit Paul Verhoeven avec Total Recall, John Woo avec Paycheck, ou même Steven Spielberg avec Minority Report. Bref, un chef d'oeuvre absolu qui porte merveilleusement ses 28 ans. Mon film culte.
MAJ
Citizen Kane, meilleur film de tous les temps ? Mais bien sûr, tiens ! Cette place est pour deux films. Le Bon, la Brute et le Truand. Et Blade Runner.
Donc, laissez passer le chef-d'œuvre ! Et ce n'est pas une façon de parler.
Voici LE film qui a fait entrer Ridley Scott dans l'Histoire du Cinéma, et a donné à Philip K.Dick toute la renommée qu'il a toujours méritée. Malheureusement, Dick ne verra que quelques rushes du film, il est mort peu avant la sortie du montage définitif, alors qu'il commençait à peine à percevoir ses droits d'auteur...
Bref, vous allez me demander pourquoi je lui offre ce qualificatif de chef-d'œuvre, n'est-ce pas ?
Parce que c'en est un, tout simplement, alors, regardez-le !
Ah, c'est trop court ? Bon, d'accord.
Donc, Blade Runner, c'est de la science-fiction. Mais de la pure et dure, hein, avec pas énormément d'action, mais beaucoup de questions. Côté scénario, il n'y a rien à redire, c'est le livre, juste légèrement réadapté.
Tout comme Peter Jackson a supprimé, pour Le Seigneur des Anneaux, tout ce qui ne touchait pas directement à l'épopée de la Communauté et aurait sans doute alourdi sa vision cinématographique de l'histoire (Tom Bombadil, entres autres exemples), Ridley Scott a supprimé tous les passages qui auraient pu amener à une coupure de rythme et un film relativement lourd à suivre.
On dit donc adieu à la femme de Deckard et aux passages chez lui. Si ces éléments sont très intéressants dans le roman, leur absence sert en revanche le film.
Ainsi, on se concentre sur la traque et tout ce qui en découle. Et là, préparez-vous à vous faire assommer, parce que, comme le roman dont il s'inspire, ce film est « juste » un magnifique essai philosophique sur l'Homme et l'Humanité.
Parce que c'est bien de ça qu'il s'agit. Les Nexus n'ont finalement qu'une seule envie, quand on y repense : vivre. Ils veulent avoir le droit de vivre, de ressentir... D'être humains. Ayant été conçus pour réagir de la même façon qu'un humain, comment, de leur point de vue, peut-on leur refuser ce droit le plus élémentaire ?
Et c'est là qu'arrive Deckard, qui vient confronter la loi qu'il représente à cette volonté de vie de la part des androïdes. Qui est le plus humain de l'histoire, finalement ? Bien difficile à dire...
Ridley Scott a réussi à garder toute la substance du roman de Dick, sa patte, son empreinte. Dick a toujours été obsédé par la réalité et l'Humain, s'amusant à brouiller les frontières de la perception de ses lecteurs pour les pousser à réfléchir. Et Scott a parfaitement reproduit cet aspect dans son film.
Bien sûr, ça ne tient pas que par le scénario. Qui dit grand scénario dit grand talent et éventuellement grands moyens, sinon, ça ne sert pas à grand chose.
On peut se réjouir, car c'est ce que nous avons là.
L'ambiance définie par Ridley Scott est juste sublime. C'est poisseux, sombre, pollué, sous la pluie... Un symbole d'une certaine déchéance, condamnant l'Humanité à s'exiler et à confier les tâches ingrates à ceux que l'on considère comme des sous-hommes.
Je vous laisse imaginer ce qu'est ici l'idée sous-jacente au niveau des États-Unis, surtout en sachant que ça a y été publié en 1968, pour le roman... Et que ça restait valable en 1982.
Le titre aurait très bien pu être « De la définition de l'Humain et du droit à la différence » . Et c'est donc magnifiquement servi par cette ambiance pessimiste et les superbes plans de Ridley Scott.
Ambiance portée par un casting parfait et une musique parfaitement adaptée.
Vangelis offre à la musique la mélancolie et la douceur voulue, pendant que le face à face Harrison Ford/Rutger Hauer est absolument intense, chaque acteur donnant son meilleur, y compris Sean Young, qui donne toute la crédibilité de Rachel, le grand mystère de l'ensemble, et même Daryl Hannah, qui compose une véritable écorchée vive qui ne peut provoquer que l'empathie.
Blade Runner est un mètre étalon de la science-fiction, porté par les sublimes images d'un Ridley Scott déjà à son apogée, au thème toujours pertinent, et qui n'a absolument pas vieilli du haut de ses 29 ans.
Ne tergiversez pas, il FAUT regarder ce film, à un moment ou à un autre.