Entre écorchures et cicatrices, l'évasion

Quête vers l'uranium de la félicité pour ces tristes écorchés de la vie, fuyant vers le bonheur, pour ceux qui ne voient pas la vie en rose. Let's Get Away From It All, chantait Frank Sinatra dès l'ouverture du film.


Toby vit seul avec sa mère et cherchent tous les deux à se construire une vie à Seattle jusqu'au jour où elle rencontre Dwight un chic mécanicien attentionné et courtois, bien loin de ses précédents courtisants… ou pas.


Michaël Caton-Jones met en image les mots de l'écrivain Tobias Wolff racontant lui-même le douloureux épisode de sa vie dans ses mémoires "Un mauvais sujet, souvenirs d'une enfance" publié en 1989. A l'écran, Leonardo DiCaprio continue sa lancée en tant qu'acteur en interprétant le romancier dans son premier grand rôle [il conquit complètement le public quelques mois plus tard grâce à "Gilbert Grape" où le californien partageait l'affiche avec Johnny Depp]. De son côté, Robert De Niro est un père agressif n'influant que la terreur dans sa maison - "My house. You got that ?" - ne laissant plus aucune liberté à la mère de Toby interpretée par Ellen Barkin, s'écrasant devant lui au coeur d'un mariage qui l'a réduit à la condition de femme mariée dans une Amérique des années 50 bien ancrée dans l'archaïque patriarcat.


"Here we are. Welcome to Concrete, my home sweet home." - c'est ici que Tobias ou Jake pour les intimes passera ses années lycées soit à l'école ou à livrer des journaux pour se racheter de ses pêchés d'adolescent rebelle malmenant sa mère qui fait tout pour lui. A Concrete, il fait face au vrai visage de Dwight et à une éducation radicalement différente et opposée à celui qu'il est. Cela étant, il n'est pas le seul à se confronter au nouveau aspect de l'homme et reste intimement liée à sa mère qui lui demande de voir le bon côté des choses. La demande est difficile pour quelqu'un qui ne s'est jamais senti à sa place depuis le départ de son père et de son frère et rêvant d'ailleurs. Le réalisateur écossais sublime son film d'un ton dramatique, presque mélodramatique pour certains, qui touche autant qu'il révolte nous laissant regarder la douleur intérieure de Tobias martelé par une vraie domestication l'empêchant de rêver plus haut et façonné à se comporter "comme un homme" qui est dans le film montré le plus salement par le comportement misogyne et brutal de la sphère masculine. Pas étonnant que le titre québécois soit "Tu seras un homme" tant les moeurs à l'ancienne sont un des sujets de l'oeuvre. A Concrete, Dwight, jaloux d'une ascension sociale qu'il n'aura jamais et haineux de l'existence du jeune homme, campe une vraie prison pour ce dernier autant qu'il le fait pour Caroline la mère du garçon. Ayant besoin d'être constamment au premier rôle à chaque scène et emprunt d'une cruanté maladive, celle-ci est souvent affaiblie par certaines nuances mais ressurgit au grand jour pour être rebuté de lui.


Dans l'esprit rebelle d'un adolescent rêveur continuellement rabaissé, quel autre chemin pour s'en sortir que l'évasion ? Michaël Caton-Jones décrit cette adolescence piégée par un environnement contagieux (fréquentations et proches) pour quiconque vivrait dans un tel contexte empêchant l'élévation et l'épanouissement. De la première à la dernière scène, il fait de son oeuvre une quête d'un bonheur de liberté et de plénitude pour Toby et sa mère et transforme les mots de Tobias Wolff en un drame poignant où l'impeccable casting s'en sort avec les félicitations du jury au même titre que Blessures secrètes.


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Burnham
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le 13 août 2019

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