Blue Jeans
6.8
Blue Jeans

Court-métrage de Jacques Rozier (1958)

Que dire sinon qu'il s'agit, en 2021, de la définition même de la misogynie et du harcèlement de rue.


Il ne convient évidemment pas de recouvrir toute œuvre datée d'un voile générationnel sans tenir compte du contexte de l'époque, cela dit je suis toujours frappée par autant d'arrogance et si peu de respect que certains réalisateurs peuvent avoir envers les femmes, surtout lorsqu'elles sont le sujet principal de leurs films.
C'est indéniablement sous ce prisme qu'il a été intéressant pour moi de visionner ce court-métrage jusqu'au bout. Que se passe-t-il dans la tête d'un jeune harceleur ?
Justement pas grand chose.
Deux jeunes hommes vraisemblablement écervelés, ou plutôt devrait-on appeler ça des organes génitaux géants tant il n'y a pas en eux une once de réflexion, rôdant de long en large au bord de la plage, longeant doucement les trottoirs sur leurs scooters, avec comme seule obsession celle de pénétrer quelqu'une le plus rapidement possible. Ainsi les suivons-nous importuner librement, se permettant de toucher les femmes en maillot par surprise, de les suivre de façon insistante même lorsqu'elles leur demandent de partir, de les objectiver et de les décrédibiliser à chaque prise de parole.


Étrange de constater que ces deux Héros, malgré leurs chaleurs corporelles manifestes, sont constamment les seuls à garder leurs habits quand toutes les femmes sont montrées en culotte.


Que dire des répliques plus misogynes les unes que les autres dont j'en cite au hasard quelques extraits : on "lève" des filles, on les "trimballe", "je me demande ce qu'il leur faut à celles-là. Des gourdes".
C'est à se demander comment l'on peut penser aimer autant les femmes en leur montrant autant de mépris.
Nous subissons également en voix-off les états d'âmes d'un des deux protagonistes, notamment lors de cette scène surréaliste ou il nous tirerait presque la larme en regardant son ami tenter vainement de conclure : "C'est malheureux de voir un type s'esquinter comme ça pour rien".
Malheureux, le mot est mal choisi.


Il est temps de prendre le cinéma au sérieux. Capable du meilleur comme du pire, on ne peut nier ses répercussions sur le monde. C'est à cause de ce genre d'oeuvre, que trop longtemps les hommes ont cru que les femmes n'étaient bonnes qu'à être agressées, que les femmes ont culpabilisé de refuser de donner leurs corps sans consentement. Ce qui est problématique, c'est que Blue jeans pourrait encore sortir aujourd'hui, que dis-je, parce qu'une adaptation de Blue jeans - entre autre - est sortie en 2017 sous l'oeil d'Abdelatif Kechiche, et qu'il est temps de prendre du recul face à ce regard masculin.


Porteuse d'un certain idéalisme, j'ai pour espoir que comme le nom de ce site, les spectateur.ice.s qui verront ce court-métrage, qu'il soit apprécié ou non pour des raisons personnelles, le regarde avec un sens critique. Il n'est plus possible de juste encenser une certaine vision de la "drague" lorsqu'elle cause autant de dégâts 60 ans plus tard. Lorsque je lis les deux seules critiques à ce jour dithyrambiques sur ce court métrage, certainement écrites par des hommes, je me dois d'y apporter un angle différent. Quand je lis "les filles étaient toutes revêches" "Vivement la pilule!" "Les deux personnages m'ont rappelé forcément de vieux souvenirs. Doit y avoir une certaine nostalgie, la galère du slip n'a pas d'âge. " je n'ai qu'une chose à ajouter : la paresse intellectuelle n'a pas d'âge, la misogynie non plus.

Annedrg
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le 13 mars 2021

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