Blue Velvet, sous vernis de l’Amérique puritaine

Le film est avant tout axé sur l'exploration de la frontière entre l'enfance et l'univers des adultes. On y retrouve les enfants naïfs (Jeffrey et Sandy) attirés par l'inconnu, le mystère et semblent fascinés par le danger : « Je veux découvrir ce qui est caché », « découvrir ce mystère qui me fascine ». Mais Le personnage de Sandy symbolise davantage l'ange gardien ou la figure de la raison. En effet, c'est elle qui va le ramener vers le droit chemin. Dans son apprentissage de la vie, Joffrey, va découvrir le sexe, la violence, la perversité par la rencontre de l'incarnation du mal absolu, Franck, et de celle de Dorothy. Cette dernière va être une sorte d'initiatique aux jeux sexuels adultes, à la fois douce et protectrice mais aussi masochiste et sadique.


Ensuite Lynch aborde le thème de l'apparence. En effet, Lumberton est une petite bourgade américaine en apparence très calme, rassurante. Mais derrière les apparences se cachent les coulisses d'un « monde étrange ». Cette ville est représentée comme un lieu lumineux le jour et malfaisant la nuit. Elle à un coté irréel et figé de « carte postale » presque théâtrale, reflétant l'hypocrisie de la société américaine bien rangée. Lynch à propos de sa jeunesse : « C'était un monde de rêve […] des ciels bleus, des palissades, la pelouse verte, des cerisiers – l'Amérique de la classe moyenne qu'elle devait être. Mais sur ce cerisier, il y avait un trou qui débordait, avec des zones noires et des zones jaunes, et il y avait un million de fourmis rouges partout sur le trou gluant, partout sur l'arbre. Tu vois, il y a ce beau monde et tu dois tout simplement regarder de plus près et ce n'est que des fourmis rouges. »


On y retrouve également le thème Œdipien des pulsions enfouies, avec les jeux de rôles auxquels se soumettent les personnages de Dorothy et Frank lors de leurs ébats sexuels : « Bébé veut baiser ». Mais on remarquera que même Frank est à la recherche de la lumière, il a honte de ce qu'il est car il ne veut pas qu'on le regarde dans les yeux lorsqu'il commet des vices. Lui aussi semble rêver de douceur, il recherche une affection perdue avec Dorothy. Frank est ému lorsqu'il entend la musique ou qu'il mange le velours bleu, couleur qui symbolise la tranquillité. Comme un retour à l'enfance, le personnage de Frank est finalement soumis, prisonnier de ses pulsions originelles. De plus, la figure maternelle de Dorothy est aussi valable à l'égard de Jeffrey. Elle va jusqu'à lui dire : « je te porte encore à l'intérieur de moi ». Ces pulsions vont se transcrire par les vices que sont le voyeurisme (« Je ne sais pas si tu es curieux ou pervers »), lorsque Jeffrey se cache et regarde Dorothy se déshabiller, et la domination entre les deux amants et entre Frank et Dorothy. Lynch aborde également le thème du rêve avec la notion de fantasme. On y retrouve un monde onirique marqué par une ambiance à la fois nostalgique et terrifiante.


Thème de la dualité entre le bien et le mal et la dualité ombre et lumière. Dorothy le dit elle-même : « je ne suis pas folle, je sais faire la différence entre le bien et le mal ». De plus, les personnages sont renvoyés à leur double dans un jeu de miroir : Jeffrey qui est pur se compare avec le diable, Frank, et les deux femmes Dorothy et Sandy sont représentées en opposition, l'une incarne le vice et l'autre est immaculée. Dans ce film, les extrémités sont extrêmement marquées à l'image des œuvres de Hopper qui ont fortement inspiré Lynch dans sa façon de construire ses images.


En somme, ce film est le plus représentatif de l'univers Lynchien. On y retrouve tous les thèmes principaux que Lynch va aborder dans sa carrière avec Twin Peaks, Mullholand Drive et Inland Empire.

Créée

le 8 févr. 2022

Critique lue 27 fois

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