Au vue de l'actualité récente, on peut dire que les auteurs de "Body Cam" ont eu le don de délivrer leur long-métrage à un moment tristement opportun ! Même s'il n'est évidemment pas le premier film à évoquer le sujet sensible des violences policières vis-à-vis des minorités aux États-Unis, le contexte du moment accroît de fait la résonance de son propos dans les esprits, peut-être même plus que sa tentative de mêler l'habituelle forme de polar urbain au registre de l'horreur-épouvante pour le traiter.
Alors que la police de Los Angeles subit le contrecoup de la remise en liberté d'un des leurs suite au meurtre d'un jeune afro-américain, l'officier Lomito (Mary J. Blige) reprend son service malgré la douleur toujours omniprésente de la mort de son fils. Avec un jeune "rookie" comme coéquipier, elle est appelée en renfort sur le lieu d'intervention d'un de leurs collègues qui ne donne plus de nouvelles. Là-bas, ils découvrent le corps du policier dans une mise en scène macabre. Le début d'une série de meurtres où les forces de l'ordre sont prises pour cibles dans des circonstances plus qu'étranges...
Dans un premier temps, le film réalisé par Malik Vitthal et coécrit par Nicholas McCarthy ("The Pact", "At the Devil's Door") va avoir le mérite de mêler ses enjeux surnaturels à une nuance bienvenue afin d'éviter le manichéisme primaire autour d'un sujet de fond aussi difficile. Ainsi, si le cadre d'un abus d'autorité raciste impuni est très vite posé, c'est pour mieux d'abord se concentrer sur le point de la vue de la police dans son ensemble qui subit de plein fouet les répercussions des actes de leurs collègues criminels. L'héroïne retrouve ses pairs dans un état fébrile, leur microcosme a beau être tout à fait représentatif de la pluralité de la société américaine, le simple fait de continuer à exercer leur profession les met en danger à cause du rejet d'une partie de la population considérant désormais le simple uniforme comme une menace raciste. À travers la scène de l'enfant dans la rue, "Body Cam" atteint le point culminant de la démonstration des dégâts irréversibles causés par les pratiques barbares des brebis galeuses sur les rapports de la police avec les citoyens qu'elle est censée protéger.
En quittant son aspect le plus réaliste sur le terrain, cette vague de contestation va bien entendu ensuite s'incarner dans l'entité surnaturelle du film qui, elle, va carrément appliquer la loi du Talion pour venger ces violences policières (le "dent pour dent" sera même ici littérale) !
Sur ce qu'a "Body Cam" à proposer au niveau du mix entre les codes du film policier et ceux de l'horreur/épouvante (il n'est pas le premier à tenter ce mélange des genres, "Délivre-nous du mal" est déjà passé par là par exemple), on ne peut pas que le film fasse dans la franche originalité. Certes, le postulat va se révéler intriguant pendant les premiers instants, offrant même quelques jolis moments efficaces véhiculés par la rage explosive de son entité (la séquence de l'épicerie), mais le film va assez vite se résumer à des effets de manche très classiques du genre (insectes, silhouette sombre qui joue à 1-2-3-Soleil, jumpscares datés, etc) et, dépouillée de la force de son discours vis-à-vis des violences policières, il faut bien reconnaître que tout l'aspect paranormal de cette histoire est d'une maigreur sans nom, jusque dans sa conclusion. Les éléments policiers ne seront pas non plus d'une grande aide, les motivations de l'entité sont prévisibles à des kilomètres à la ronde vu la thématique principale du long-métrage et, lorsque le temps est venu de pointer les responsables ayant engendré sa colère, autant dire que les révélations nous font bailler poliment tant "Body Cam" s'enfile dans le dénouement le plus cliché en la matière. Ne comptez pas non plus sur le côté "drama" autour du deuil de l'héroïne pour vous bouleverser, celui-ci est tout sauf subtil et sert juste de prétexte à souligner au gros marqueur un certain parallèle de conditions révélé en cours de route. Enfin, à part quelques fulgurances, "Body Cam" n'a clairement rien de fou visuellement parlant tout comme l'interprétation très oubliable de ses comédiens.
Mais c'est peut-être sur le fond que le film va finalement décevoir le plus sur la durée, la nuance des débuts va peu à peu s'effacer au profit d'un renversement de situation où un bête "tous pourris" l'emportera sur le reste. La mise en exergue de la dénonciation des violences policières racistes et l'omerta qu'elle engendre au sein des rangs de la profession sera bien sûr primordiale et justifiée mais elle se réduira également de plus en plus à des évidences très primaires servant en réalité de prétextes scénaristiques à son intrigue fatiguée plutôt que d'avoir la volonté d'élever cette dernière vers quelque chose de plus percutant en matière de discours.
Dommage, malgré de belles intentions de départ plutôt bien traduites sur de nombreux plans, "Body Cam" se perd tout autant dans les facilités des deux genres auxquels il se raccroche que dans la force de son propos devenant peu à peu un instrument manichéen au service de la platitude de son récit. Il y avait pourtant le potentiel de faire bien plus...