We will mock you
J’aime bien la musique de Queen. Pendant un temps, ce fut rangé dans la catégorie Guilty Pleasure, en souvenir de mon adolescence, durant laquelle j’ai usé jusqu’à la corde mes Greatest Hits Vol. 1...
le 25 janv. 2019
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Bien après sa sortie , ses remises de prix et sa hype encore palpable , mon visionnage du film m'a rappelé à quel point le cinéma connaît une période trouble : une période où l'argent est roi , où les auteurs et créateurs ont de moins en moins l'espérance d'avoir une quelconque liberté , où le " moi j'ai aimé " a supplanté les qualités et défauts concrets d'une oeuvre , où les remises de prix ne sont que fumisterie et où la nostalgie règne en maître.
Bohemian Rhapsody retrace le destin extraordinaire du groupe Queen et de leur chanteur emblématique Freddie Mercury, qui a défié les stéréotypes, brisé les conventions et révolutionné la musique. Du succès fulgurant de Freddie Mercury à ses excès, risquant la quasi-implosion du groupe, jusqu’à son retour triomphal sur scène lors du concert Live Aid, alors qu’il était frappé par la maladie, découvrez la vie exceptionnelle d’un homme qui continue d’inspirer les outsiders, les rêveurs et tous ceux qui aiment la musique.
La genèse chaotique du projet est sans doute la raison principale de la médiocrité du résultat final , ce phénomène devenant une sombre habitude à prendre depuis plusieurs années. En effet , c'était d'abord Sasha Baron Cohen qui devait interpréter Mercury mais des divergences d'opinions ont conduit à l'arrêt du projet :
Sacha Baron Cohen quitte le projet en juillet 2013, suite à des divergences de vue avec les membres de Queen : ceux-ci veulent faire un film tous publics, un film familial, alors que Baron Cohen escomptait un film pour adultes centré sur le chanteur gay.
On notera d'ailleurs la relation tumultueuse entre l'acteur et les membres du groupe , dont le changement de comportement et les intentions révèlent l'idée d'un projet plus mercantile et superficiel que ne le voulait l'acteur :
La relation entre Queen et Sacha Baron Cohen tourne au vinaigre au printemps 2016 lorsque l'acteur prétend que Brian May n'est pas un grand producteur de cinéma, que les membres de Queen ont voulu édulcorer le film et qu'ils ont voulu en recentrer une partie substantielle sur eux-mêmes , amenant Brian May à répliquer que « Sacha est devenu un con » (« an arse ») et s'est mis à raconter des contre-vérités.
Le projet devait ensuite s'articuler autour de Ben Whishaw ( Skyfall et 007 Spectre ) dans le rôle principal avec Dexter Fletcher ( Wild Bill et Sunshine on Leith ) à la réalisation mais le projet ne se fera pas une nouvelle fois , tout en étant émaillé de propos douteux de Brian May :
Brian May considère en effet Ben Whishaw comme un « véritable acteur ».
Il finit finalement dans les mains de Bryan Singer ( Usual Suspects , X-Men , Superman Returns ) avec Rami Malek ( Mister Robot , Until Dawn ) dans le rôle du chanteur. Le réalisateur sera viré et remplacé par Dexter Fletcher qui bouclera ce qui restait à faire. Des absences répétées et des conflits avec Malek seraient à l'origine de ce renvoi qui condamne le film. En effet , malgré des saillies comme seul sait les faire Singer , le film est d'une platitude abyssale qui le dessert complètement et ne fait que souligner encore plus l'aspect "cheap" du film qui le renvoie davantage à un téléfilm qu'à un long - métrage ( décors qui ne sont jamais visibles que quand des personnages s'y trouvent , les scènes de tournées qui semblent être tournées au même endroit , ellipses temporelles importantes ... ). Les effets spéciaux immondes lors du concert du Live - Aid n'aident pas à l'immersion et font rire jaune pisse. Le manque d'implication de Singer ( dont les raisons peuvent être facilement trouvées ) débouche sur ce résultat , faisant ressortir encore plus les quelques gimmicks qui sont restées dans le résultat final ( mouvements de caméra parfois très alambiquées , polices d'écritures et animations qui renvoient au générique d'ouverture de Superman Returns ... ) rendant le film plus schizophrénique qu'il ne l'était déjà.
D'ailleurs pourquoi le film obtient - il les oscars du meilleur montage , montage et mixage sonore ?
J'aimerai tant rencontrer la personne qui a la réponse à cette question.
Le pire reste à venir avec le scénario qui est plus que problématique. Comme évoqué précédemment , il ne fonctionne jamais car , abandonné par la réalisation , il n'arrive jamais à installer un quelconque rythme et dramaturgie car il démarre trop vite , ne prend jamais la peine de développer les personnages , réduits pour la plupart à l'état d'esquisse bien sous tout rapports à en vomir , avec des ellipses qui enterrent définitivement ceux qui n'étaient pas venus pour réentendre des musiques qu'ils pourraient très bien écouter chez eux sans avoir à payer une place de cinéma.
Le film cherche ainsi uniquement à plaire aux fans et surtout à ceux qui ne savent rien de l'histoire du groupe pour surtout présenter le groupe et ses membres comme plus légendaire et "Family - friendly" qu'il ne l'est réellement. La création et l'originalité semblent venir ainsi naturellement et sans trop de travail à fournir , le succès étant immédiat tant le monde savait déjà à l'époque ô combien ils étaient des légendes. La structure narrative rend d'ailleurs cela encore plus ridicule tant elle se répète indéfiniment et crache sur la cohérence ( idée de musique , concert , histoire d'amour ... ). Ce fan - service gras culmine dans un climax qui résulte dans une reconstitution ô combien inutile du concert du Live - Aid , summum de la manipulation du spectateur et du gain de temps ( cela permet d'enchaîner les titres les plus connus du groupe et de raviver la nostalgie de ceux qui ont vécu cet événement ). De cette mélasse tout public , bien - pensante et superficielle émerge le plus gros problème du film : il ne choisit jamais si il est un biopic précis et véridique ou centré uniquement sur Freddie Mercury. Il n'est pas complètement centré sur le chanteur car le film développe ( la blague ) la vie du groupe , les dynamiques en son sein , avec des magnifiques plans bien centrés sur l'acteur incarnant Brian May ( on ne peut que voir les directives de ce dernier tout au long du film ). Mais il est énormément centré sur le chanteur rendant ainsi incompréhensible le fait d'abandonner le projet de Cohen à l'époque , à moins bien sûr qu'on ne veuille pas nous dire la vérité. Même si les biopic prennent souvent des libertés , le film est faux et mensonger durant quasiment l'entièreté de sa durée , renvoyant la tagline prétentieuse de l'affiche à sa superficialité. Le pire étant que toutes les complexités du personnage de Mercury ( drogue , alcool , homosexualité ... ) sont soit esquivées ou traitées à la va - vite , rendant la figure dépeinte dans le film fausse et pas crédible une seule seconde. Le fait de vouloir se montrer sous un beau jour peut être compréhensible , cracher sur la mémoire d'un mort pour faire de l'argent et raviver une popularité qui n'en avait pas besoin ne l'est pas. Le danger de la désinformation est grand avec ce genre de films , surtout pour les néophytes et les jeunes générations.
Tel était l'entre - deux dans lequel se trouvait Rami Malek qui s'en sort finalement dans un parfait mélange des deux et une énergie palpable mais qui ne vaut certainement pas un oscar ( curieuse idée que d'oscariser un acteur encore jeune et dont le potentiel reste à découvrir pour un rôle où il est mit en valeur et icônisé à outrance sans transformations physiques peu flatteuses face à un acteur confirmé , riche d'une filmographie impressionnante , pour un rôle complexe , ambivalent , à contre - emploi et qui subit une transformation nettement plus fidèle mais beaucoup moins flatteuse assurément ). Aucune performance ne captive mais l'on peut noter un cameo amusant de Mike Myers qui se trouve être plus profond qu'il n'y paraît.
Le film est donc raté en tout point de vue et handicapé par cette production chaotique qui l'aura amputé de toute trace de créativité. Mais pourquoi je me plains ? Le film est un chef d'oeuvre déjà culte pour une majorité du public et récompensé entre autre de trois oscars. Je dois être fou de chercher de la créativité et de l'audace. Après tout , il y a les musiques de Queen...
Ainsi s’éteint la liberté. Sous des applaudissements.
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Créée
le 2 oct. 2019
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