D’un « film magnifiquement obscène », comme le disait si bien André Bazin au sujet du premier film, Gérard Jugnot ici acteur et réalisateur propose une relecture totalement vulgaire qui semble à la fois se repaître de la saleté de son personnage et l’ériger pourtant en qualité intellectuelle, représentant d’une philosophie de vie libertaire. La monstruosité jouit dans Boudu d’une complaisance malsaine, comme si l’œuvre ne pouvait s’empêcher d’aplanir le danger incarné dans cette figure de l’autre en prétendant épouser le point de vue de ce dernier. On a l’impression que la bonne petite morale ne cesse de se cacher mais demeure présente, et que chaque scène n’existe que comme miroir sale d’une morale propre. En dépit d’une entrée en matière intrigante et de bons acteurs, Boudu cuvée 2005 ne vaut que pour le malaise qu’il engendre, malaise bien réel et diffusé tout au long du film. Si l’œuvre ne brille donc pas par sa subtilité, si sa dimension démonstrative nuit à la subversion politique qu’un tel propos aurait dû engendrer, elle se rattrape par son incapacité à, justement, lâcher prise et s’adonner à ce Tartuffe du caniveau. Ou comment s’efforcer de tirer une morale petite-bourgeoise à partir de l’immoralité incarnée.