Si l’on connaît surtout la Corée du Sud pour deux genres en particulier, à savoir le polar souvent violent et esthétisant et la comédie romantique, fort heureusement, quelques films parviennent à sortir du lot. Intéressons nous aujourd’hui à Bring me Home, drame lorgnant parfois il est vrai vers le thriller, mais dont les inspirations pourraient plus facilement être trouvées dans le cinéma de Kim Ki-Duk par exemple. Un réalisateur assez à part dans le paysage cinématographique Coréen, puisque si son cinéma reste par moment violent, et par moment Bring me Home l’est également, on a plus souvent affaire à un cinéma épuré. Épuré de ses dialogues, épuré de son esthétique parfois aussi pour un résultat froid, souvent contemplatif. En regardant d’ailleurs quelques avis, j’aurais pu remarquer que ce Bring me Home en aura déçu certains. On peut lire que certains se sont ennuyés devant le métrage, certains se moquent même en disant que Lee Young-Ae, l’actrice principale, ne fait que déambuler pendant quasiment deux heures, le regard vide, silencieuse, presque sans vie. C’est oublier un peu vite que Bring me Home met en avant une mère de famille dont le fils a disparu depuis déjà six ans, et qui n’a presque plus de raisons de vivre. Même son mari craque. Jusqu’au jour où loin de la capitale, ils reçoivent un tuyau anonyme de la part d’un habitant d’un petit village de pécheur, persuadé que le fils d’une famille sur place serait en réalité le fils, kidnappé donc, et quelque peu maltraité puisque servant à faire tourner le commerce, de notre héroïne. Se rattachant à cet unique espoir, et après la mort plus ou moins accidentelle de son mari qui la laisse encore plus seule et sans rien pour l’arrêter, notre mère, Jung-Yeon, se rend donc sur place, pour enquêter et découvrir la vérité. Ni plus, ni moins. Un propos simple. Bon forcément, une mère dépressive, qui parle peu, déambule avec un but unique, et se rend dans un reculé village de pécheur, comment ne pas penser à Kim Ki-Duk, puisque l’on serait presque dans une ambiance façon The Isle.
Et bon point, Bring me Home bénéficie du talent d’une actrice bien trop rare à l’écran, à savoir Lee Young-Ae. Tellement rare qu’elle en est presque oubliée, puisqu’il s’agît de son premier rôle depuis Ladu Vengeance, qui date de 2005. Elle était d’ailleurs une des réussites du bancal métrage de Park Chan-Wook. L’actrice est ici totalement habitée par son rôle, qu’elle tient à merveille. Un rôle sans aucun doute psychologiquement éreintant par ailleurs. Car durant toute la première partie, nous sommes bien là face à une femme déchirée, presque sans vie, seulement rattachée au monde qui l’entoure par une poignée de souvenirs. À la maison, l’ambiance est morne, silencieuse. Au travail, c’est un peu la même chose, Jung-Yeon s’efforce de tenter de sourire, de sauver les apparences, mais n’y arrive que difficilement. La possible découverte de son fils devrait sonner comme une libération, même si cela amène finalement, au départ à cause d’une blague, à la mort accidentelle de son mari. De quoi enfoncer Jung-Yeon encore plus si pieds sous terre. Oui, Bring me Home commence de la manière la plus joyeuse qui soit. Lorsque finalement, l’on sait avec certitude que son fils est en vie, et dans un village de pécheur, le ton ne s’adoucit par pour autant, tant la vision dépeinte du fameux village n’est que corruption, abus, maltraitance. Mais bon point pour le réalisateur qui signe son tout premier métrage, il n’abuse pas du propos de son film pour livrer un métrage complaisant, frontal et stylisé, mais bien au contraire, se limite dans ce qu’il montre, préférant dévoiler juste ce qu’il faut, et poser une ambiance. Froide, contemplative, lente certes, mais qui fonctionne. Quelques regards, quelques réactions, ou encore une simple partie de chasse en forêt avec l’enfant suffissent à planter l’ambiance et à bien faire comprendre la situation. Il n’est que de la main d’œuvre, et à l’accepter d’un personnage, tout le monde ne le voit que comme ça.
Sa « mère » adoptive ne le considère comme son fils que lorsque cela l’arrange. L’arrivée de Jung-Yeon au sein du village sera forcément vu d’un mauvais œil. Le jeune garçon sera caché, ses conditions de vie encore plus précaires, et tout le monde dans le village s’unit contre cette pauvre femme endeuillée qui ne cherche qu’à retrouver son fils, et donc, sa vie, après avoir tout perdu. Même la police du coin est corrompue, et les habitants n’hésiteront pas à sortir les armes si besoin. Le climat est hostile pour cette mère, et dans un premier temps, ce sont clairement les scènes les plus simples qui fonctionnent. Forcément, la vérité doit éclater, et durant sa dernière partie, en gros la dernière demi-heure, Bring me Home se doit d’être alors un peu plus frontal dans ce qu’il présente. Sans pour autant en faire des tonnes, ce qui fait du bien. Bien que tout ne soit pas parfait. On pourra regretter par exemple dans le village quelques personnages un peu trop faciles, comme celui que l’on appellera l’idiot du village, et qui ne changera pas, quoi qu’il arrive. D’ailleurs finalement, aucun personnage secondaire, même les plus détestables, ne parviennent à réellement marquer. Il faut dire que lorsque Lee Young-Ae est à l’écran, elle bouffe littéralement l’écran. Après tout, c’est son film. Et elle est clairement le premier élément que l’on retiendra du métrage. Avec au second plan, un propos simple qui prend son temps, et une mise en scène souvent posée, qui évite d’en faire trop et se met donc au service de son histoire. Un plutôt beau drame donc, malgré quelques facilités.