Nichée au cœur du film, une des plus belles scènes de cinéma que j'ai pu voir cette année. Trois amis, Jongsu, Haemi et Ben, se retrouvent à boire et à fumer dans la douceur d'une soirée d'été. Bientôt, l'ivresse prenant le pas, Haemi ne résiste pas à l'envie d'accompagner le soleil couchant par une de ces danses pantomime dont elle a le secret. Filmée en plan séquence, avec en fond musical les cuivres d'un morceau de Jazz, la jeune femme, seins nus et mains aériennes, irradie la scène au fur et à mesure que le soleil jette ses derniers feux. Un bleu nuit envahit alors le ciel laissant Haemi dans une grande confusion émotionnelle. Quelques instants plus tard, Ben confie à Jongsu une de ses obsessions : brûler de vieilles serres abandonnées comme il y en a tant dans la campagne coréenne.
A cet instant le film n'a pas encore basculé dans le thriller opaque que nous réserve la seconde partie du scénario. Nous sommes encore dans cette Sérénade à trois où deux hommes que tout oppose - Ben, est riche et plein d'assurance, Jongsu est pauvre et inexpérimenté - convoitent la même femme. Deux hommes entre lesquels Haemi ne semble pas décidée à choisir. Mais lorsque la jeune femme disparait mystérieusement c'est tout l'équilibre -déjà instable - du trio amoureux qui s'en trouve anéanti. Ben révèle des aspects de sa personnalité de plus en plus inquiétants tandis que Jongsu, après s'être enflammé de désir pour la belle, se consume à présent de son absence.
Précisément, le metteur en scène joue remarquablement bien de toute la gamme sémantique que lui offre le thème de la consomption. Haemi est ainsi fascinée par les couchers de soleil, cet instant où l'astre, dans un ultime flamboiement, semble lutter pour ses derniers instants de vie. Quant à Ben, c'est un pyromane assumé. Chacune de ses nombreuses conquêtes succombe aux feux de la passion amoureuse et lui-même rayonne dans le jeu de la séduction. Mais ce n'est qu'un brasier de courte durée et très vite l'ennui prenant le pas, il se débarrasse des cendres de cette histoire comme il incendie les vieilles serres qui dit-il, "défigurent le paysage". Un Don Juan souriant et décontracte doublé d'un Commandeur implacable. Un personnage très réussi.
Pour autant, on ne sait jamais exactement de quoi il retourne dans cette histoire où le réalisateur semble s'amuser à nous enfumer. En effet, Jongsu étant écrivain (en devenir), il passe son temps libre à écrire, ce que nous montrent ostensiblement de nombreux plans. Dès lors, il y a toujours un doute entre la réalité réelle - si je puis dire - de l'histoire et celle que se représente peut-être faussement Jongsu. Ainsi ses soupçons à l'encontre de Ben paraissent de plus en plus fondés et en même temps, ils ne sont pas suffisamment probants pour accuser définitivement son adversaire de cœur.


Le réalisateur se gardant bien de nous éclairer quant à la culpabilité de Ben jusqu'à cette scène finale dont on ne sait si elle met un terme aux agissements du "monstre" Ben ou si elle est la preuve que Jongsu n'est que l'héritier de la violence aveugle et incontrôlée de son père.


Le film, qui est aussi une superbe balade visuelle et poétique dans la Corée urbaine et rurale d'aujourd'hui, tient ainsi ses promesses de mystère jusqu'au bout.
Beau et captivant.


Personnages/interprétation : 10/10
Histoire/Scénario : 8/10
Mise en scène/réalisation : 9/10


9/10 <3

Theloma
9
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le 14 sept. 2018

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