La reconstitution très détaillée de l’attentat mené par Stauffenberg et de ses conséquences fait de Es geschah am 20. Juli une œuvre à valeur documentaire, proche en cela de Kameradschaft (1931) et de la solidarité des mineurs allemands et français confrontés à une catastrophe minière, inspirée de celle survenue à Courrières en 1906. Le titre porte d’emblée cette attention scrupuleuse portée à l’exactitude, puisque la date et le mois sont précisés, sous-entendant l’année 1944 : il s’agit bien d’évacuer tout discours général sur la guerre, tout pacifisme simplifié par la connaissance rétrospective de l’Histoire, pour mieux saisir l’héroïsme d’un groupe de personnages allemands soucieux de faire disparaître le Mal tout en maintenant intactes les valeurs de leur pays.
L’essentiel du film se déroule dans des espaces confinés qui sont autant de frontières entre les dissidents et le régime nazi, en témoigne la séquence initiale de fuite qui procède par différentes haltes nécessitant chacune l’accord oral de la hiérarchie ; ainsi Pabst dénonce-t-il la bureaucratie sanguinaire où se joue l’idéologie dominante, où s’affinent les programmes politiques, d’où l’on diffuse les documents officiels. Par opposition à ces instances supérieures, le cinéaste allemand multiplie les temps d’échange cachés loin des regards indiscrets entre les membres du complot, permettant à leurs doutes, à leurs peurs et à leurs espoirs de s’exprimer. Son engagement s’observe également dans son refus de toute fétichisation – volontaire ou non – des attributs du régime au pouvoir : nulle croix gammée, aucun « Heil Hitler » ne viennent perturber notre immersion dans les souterrains du pouvoir, là où d’ordinaire aucune archive ne peut espérer s’extraire en ce que tout y est verbal et secret.
Tel un journaliste d’investigation, Pabst remonte à la source de la contestation politique, refuse tout schématisme ou toute dramatisation, accouche d’une œuvre sèche mais portée par un élan quasi religieux : l’acte de foi en l’humanité contre l’inhumanité, qui regarde Stauffenberg comme le martyr sacrifié d’une cause sublime et universelle.