Il y a une polémique à propos de Calomnies, polémique liée à une sortie confidentielle dans seulement trois salles française, polémique soi-disant liée au sujet supposé « brûlant » du film, polémique liée au retrait des financements promis par France 2, juste avant la dernière présidentielle. Qu’affirme Jean-Pierre Mocky ? Que France 2 s’était engagée à produire ce film en 2012 et s’est retirée juste avant l’élection présidentielle car le sujet du film, la corruption des élus, aurait percuté de manière trop brutale l’actualité politique. Il affirme être aujourd’hui une victime de la censure médiatique, du fait d’un film supposé trop pertinent sur le thème des liens entre élus et milieux criminels. Du coup, on veut prendre la défense de Mocky, crier comme lui au complot, à la censure et à l’injustice.

Pour ça, il faudrait que son film tienne les promesses annoncées par la polémique : un film qu’on attend grinçant, cynique et pertinent sinon impertinent. Sauf que le film de Mocky est mauvais, exécrable même, ou alors il s’agit d’un film pour initiés à l’univers du réalisateur mais alors, très initiés ! C’est vrai qu’on sent le manque de moyens d’un film autoproduit, monté avec des bouts de ficelles et l’absence de fonds se ressent dès le générique : court et sobre, comme à l’ancienne. Si le côté fauché de Calomnies peut expliquer l’aspect « cheap » de certains décors ou la récupération d’images recyclées et même le fait que des acteurs y jouent gratuitement, il n’explique quand même pas tout.

Il n’explique la médiocrité abyssale des dialogues, sans aucun naturel. Bien sûr on y voit des politiques, êtres « à part » qui ne s’expriment pas comme le commun des mortels mais tout de même, ça sonne aussi faux qu’une Céline Dion aphone. Du coup, le jeu d’acteurs suit le même chemin et on n’est pas loin de penser que faire jouer des acteurs sans cachet, ça les pousse à mal jouer. Il y a peu d’exceptions : ils sont dans le sur-jeu, dans l’excès, les grimaces, les mouvements et positionnements du corps pas artificiels. C’est bien simple, ils semblent poser devant la caméra au lieu d’évoluer devant elle. Pourtant la distribution est belle, Mocky rassemblant autour de lui les derniers fidèles parmi les fidèles et, même Marius Colucci (fils de Coluche, sans le talent) qui ressemble de manière frappante à son défunt père, ne parvient pas à emporter le spectateur. Le seul bon moment sera proposé par Jonathan Lambert, hilarant en footballeur professionnel.

Tout étant lié, les mêmes causes ayant les mêmes effets, le fond du film sombre avec le reste. Tout ce que semblait promettre Mocky, avec son acharnement à monter son film, avec son affiche façon « vous allez voir ce que vous allez voir » bref, cette idée que les puissants allaient tomber de leur piédestal et que ce film serait mordant, tout ça disparait dès les dix premières minutes. Tout de suite le ton est donné : c’est gras, grossier et absolument sans finesse. Mocky ne sait pas taper la où ça aurait fait mal et ne sachant pas viser, il manque systématiquement sa cible. Il ne fait que caricaturer les hommes politiques, il le fait avec tant d’excès que c’est trop : on ne peut pas être d’accord avec lui, avec son côté « tous pourris ». C’est à un point tel qu’on se dit qu’il ne caricature pas les politiques, mais qu’il caricature la caricature des politiques.

Il n’y aurait finalement que l’indétrônable Vladimir Cosma à sauver de cette catastrophe, éternel compositeur du cinéma français, dont le talent ne s’est jamais démenti et qui signe, encore une fois, une bande-originale inspirée. Il sait, comme à chaque fois, trouver un thème facilement indentifiable, qu’on retient avec plaisir et facilité. On se dit que pour être là, il doit également faire partie des proches de Mocky et qu’il a cru fait une œuvre militante en apportant son soutien à un ami. Morale de l’histoire, il n’y a finalement que pour la musique qu’il est inspiré.

La leçon est donc amère pour ce nouveau film de Jean-Pierre Mocky, on aurait aimé que cette polémique soit finalement justifiée, on aurait aimé une authentique censure, qui aurait signifié que ce film était un vrai pavé dans la mare aux canards politiques. Mais finalement, Mocky est peut-être un brin parano, de croire qu’on veut faire taire les idées qu’il défend. Il est plus surement orgueilleux, trop orgueilleux en tout cas pour reconnaître que, si son film n’a eu le soutien ni des producteurs, n i des médias, c’est simplement parce-qu’il n’est pas bon. Alors c’est vrai qu’il y a un grand nombre de films, surement plus mauvais encore, qui ont le soutien des médias, des producteurs et sortent dans un nombre de salles stratosphérique. Mais pour une fois que les distributeurs épargnent un mauvais film aux spectateurs, on ne va pas cracher dans la soupe, pas comme Mocky en tout cas…
Jambalaya
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le 19 nov. 2014

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