Un café très bien dosé.

Et bien le petit téléfilm anniversaire de Caméra Café, sans prétention, sans enjeu et sans trop de moyen, a su m'apporter ce que le grand film de Kaamelott n'aura pas su donner : du plaisir. Un plaisir à la hauteur de ce qu'était Caméra Café à l'époque, une capsule de détente, d'humour cynique et piquant, passant en revue les travers de notre culture et notre société dans ce qu'elle a de plus beauf, avec bien sûr cette critique constante du monde de l'entreprise, et donc du capitalisme, etc etc.

20 ans plus tard, même si on imagine que personne n'attend ce téléfilm, on serre les fesses en lançant le métrage, car il y a moins longtemps de ça, les deux films estampillés Caméra Café nous ont appris à nous méfier de ce genre d'adaptation toute aussi fauchée mais un brin plus opportuniste, à la qualité variable mais dont les enjeux d'époque poussaient les auteurs à pousser un peu trop loin les codes de la série, au point de l'abimer quelque peu. 20 ans plus tard, c'est encore plus risqué car rien ne dit que les auteurs, les comédiens, les producteurs sachent encore offrir la formule de l'époque, qui souffrirait clairement d'un trop gros dosage de modernité.

On craint déjà de voir les mines vieillies des comédiens, restées fraiches dans nos mémoires. On craint de voir de nouveaux comédiens de renom que la production aura le mauvais goût de nous montrer pour montrer un passage de flambeau.

Et puis la bonne nouvelle tombe : TOUS les comédiens seront présents. Comprenez : Sylvain Muller est vivant. Les quelques problèmes juridiques entre le comédien et le duo d'auteurs avaient mené à lui écrire une mort pitoyable dans le dernier film en date, et la certitude de ne jamais revoir de produit Caméra Café, jusqu'à aujourdhui. Pour moi ça a été le bon signal.

Maintenant que j'ai vu et digéré le téléfilm, voici mon verdict.

L'esprit est intact. Le sentiment de camaraderie entre les comédiens ne sonne jamais faux et pousse chacun à retrouver sa partition d'époque. Chacun joue juste, trouve sa place, ni trop ni trop peu. Ils sont TOUS bons et se hissent à merveille dans leurs souliers d'époque. Et si la recette est là, l'humour est là. Caméra Café n'a jamais été pour moi une série plus drôle que ça mais extrêmement attachante, avec des personnages balourds et bourrés de défauts qu'on prend plaisir à voir à l'oeuvre. Et le dosage est strictement le même ici. Jamais on ne note un excès de sentiment ou un manque de cynisme dans le discours. Faites l'expérience d'écouter sans regarder l'écran une séquence entière, c'est bluffant, on croit entendre un épisode de 2003. C'est ni plus ni moins la même chose, c'est donc ni plus ni moins ce qu'on pouvait attendre de Caméra Café 2023.

Finalement 20 ans plus tard, ça montre aussi l'agressivité d'un public devenu réactionnaire, qui en voulant brûler ce téléfilm montre surtout qu'il a soit tout oublié du matériau d'origine, soit qu'il n'a rien compris à l'humour "gauchiasse, wokiste, -insérer autre élément de langage de droite- " de Caméra Café en 2002. C'est toujours le même point de vue de gauche, avec une critique de tout l'échiquier politique, d'un bout à l'autre. Tout le monde le savait à l'époque, tout le monde feint de ne plus le savoir en 2023.

Bref, très heureux de voir Solo et Le Bolloch montrer un produit bien fini, dont le seul but est d'offrir un chant du cygne plus digne que les précédents films et qui a réussi à me surprendre par la qualité du jeu, la volonté d'offrir ce plaisir de retrouver tout le casting, une sincérité pregnante à tous les niveaux. Et tant pis pour celles et ceux qui crieront comme des cons à la propagande gauchiste (allez cramer), moi j'ai vu Caméra Café. Un bon Caméra Café.