Sexe Mensonges et Vidéos

Capturing the Friedmans est un étonnant et perturbant film documentaire réalisé par Andrew Jarecki et primé dans de nombreux festivals. Le film raconte le parcours d'une famille "modèle" juive de la middle class américaine dont le destin va s'écrouler et tourner au cauchemar lorsque le père de famille et son plus jeune fils de 18 ans sont tout deux accusés de pédophilie.

La plus grande force de Capturing the Friedmans c'est tout d'abord de nous plonger de manière intime au cœur de ce drame familial à travers les archives personnelles de la famille, les Friedmans ayant une tendance narcissique prononcée à se filmer de manière quasiment obsessionnelle et compulsive depuis toujours. Par le biais de films Super 8 et de vidéos captées par le caméscope familiale on plonge ainsi dans le quotidien de cette tribu en perdition y compris lors des moments les plus intimes de la famille. Car bien loin de ne filmer que les événements heureux, les Friedmans se filment y compris lorsqu'ils s'engueulent et règlent leurs compte autour de la table de la salle à manger. L'autre grande force du documentaire de Andrew Jarecki c'est de montrer à travers de très nombreux témoignages contradictoires de victimes, policiers, juges, membres de la famille et proches combien il est difficile de démêler le vraie du faux et de savoir où s'arrête la vérité et où commence l'emballement, le mensonge et la surenchère face à l'émotion de tels actes monstrueux.

Si les penchants pédophiles du père de famille Arnold Friedman sont avérés et absolument incontestables en revanche les accusations les plus horribles le concernant comme le viol de plusieurs enfants lors de cours d'informatique, restent durant tout le film une source d'interrogation laissant souvent le spectateur dans une position de doute des plus inconfortables. L'implication et la culpabilité du plus jeune des Friedmans est elle aussi très ambigüe tant son histoire est trouble et insaisissable. Le spectateur ne cessera alors de passer du dégoût à l'expectative, du doute à la conviction face aux récits parfois à charge ou accablants des différents intervenants. Concordance de témoignages accusateurs, absence de preuves physique, enquête à charge de la police, contradictions des témoins, mensonges de façade et vérités abjects; difficile de ne pas perdre pied devant cette enquête glaçante. Les témoignages de la femme de Arnold et de son frère sont aussi bouleversants que troublants tant ils interrogent sur les limites et les devoirs d'une solidarité familiale face à l'horreur. Capturing the Friedmans frappe avec force et nous propose des séquences absolument fascinantes et glaçantes comme lorsque Jesse Friedman danse et s'amuse devant le palais de justice qui s'apprête à le condamner pour de multiples viols sur mineurs. Quant aux nombreux films personnels de la famille Friedman, ils sont les troublants miroirs des contradictions et des blessures de cette famille à la fois soudée et désagrégée par le mal.

Loin de donner des conclusions fermes et définitives, le film de Andrew Jarecki laisse bien plus de questions qu'il ne donne de réponses. Et comme les grands films documentaires sont ceux qui nous donnent le plus à réfléchir sur le monde et sur nous même, on pourra considérer sans problème que Capturing the Friedmans est un très bon film même si il nous plonge dans un profond inconfort.