Ce que le jour doit à la nuit
J'adore le titre. D'ailleurs, en tombant par hasard sur un extrait de ce film, dont je n'avais encore jamais entendu parler, je me suis dit qu'il avait en apparence tout pour me plaire. Un cadre magnifique dans l'Algérie d'avant-guerre, une photographie sublime avec des couleurs chaudes et exaltantes, un jeune homme mystérieux en proie à un amour impossible : ce film serait mon remède anti-grisaille. Malheureusement, une fois le visionnage en bonne est due forme lancé, on réalise très vite que cette adaptation du roman de Yasmina Khadra (que je n'ai pas lu, donc pas de comparaison ici) aura peine à délaisser cette superficialité pour vraiment nous raconter quelque chose.
Pourtant, les pistes ne manquent pas.
Rythmée par la voix off du héros, la première heure du film s'attarde à nous dépeindre l'enfance de Jonas, fils d'un paysan algérien ruiné, confié à son oncle dès son plus jeune âge. On nous abreuve alors de détails concernant la dureté de son existence : un père plein de dignité qui refuse toute pitié, une mère qui préfère renier son fils plutôt que de la voir tomber dans la misère, sa sœur qui mourra sous les bombardements... Mais on endure tout cela en supposant que ces éléments auront une quelconque importance par la suite, qu'ils feront échos à quelque chose, au moins en ce qui concerne la construction du personnage. On se dit qu'il pourrait bien devenir membre du FLN, un peu révolté ou même simplement rebelle, juste un peu. Eh bien non.Tout cela résonne dans le vide.
On le retrouve ensuite pour la deuxième partie du film, au présent, alors qu'il est jeune étudiant en pharmacie, et ce n'est plus du tout le même personnage. Il court les femmes, il se plonge docilement dans ses études, il s'amuse avec ses amis français... Alors sans doute le message est-il de dire que c'est un type bien, pas rancunier, fidèle en amitié; mais qu'est-ce que ça le rend mou ! Tout est décrédibilisé, même son amour pour Emilie. A aucun moment, on a le sentiment qu'il souffre de se refuser à elle, sous prétexte d'ailleurs d'un serment si solennel qu'il en devient ridicule. Les personnages secondaires n'arrangent rien à l'affaire, ils sont sympathiques mais n'amènent aucune profondeur, leur évolution dans l'histoire est totalement attendue. La guerre d'indépendance elle-même est traitée avec cette nonchalance : tout est cousu de fil blanc, romancé à l’extrême.
Finalement, on pourrait voir dans la relation des deux protagonistes une métaphore de l'amour impossible entre l'Algérie et la France, mais le film verse trop dans le pathos pour permettre ce genre de réflexion. La réalisation se focalise uniquement sur l'esthétique, la musique et le remplissage pour provoquer l'émotion, au lieu de se reposer sur un scénario efficace et le talent des acteurs, et c'est bien dommage. Voilà, je suis ressortie de cette séance agacée.