C’est l’été. À Berlin, Sasha, une jeune femme, décède soudainement. Lawrence, son petit ami, et Zoé, sa sœur, apprennent sa mort. Trois ans passent, et chaque été, entre Berlin, Paris ou New York, ils se retrouvent. Pour ne pas sombrer, ils restent ensemble le temps qu’il faut, se laissant vivre avec la blessure de la perte.
Mikhaël Hers, avec ce deuxième long métrage, s’intéresse à l’évolution du deuil, à son aspect assommoir et à la solitude qu’il entraîne avec lui. D’une retenue particulière et d’une extrême pudeur, le film a la justesse de ne pas faire de la mort le centre de son propos. Il l’intègre au tout début, en point d’ancrage, pour l’expédier aussitôt, en la signifiant comme une simple chute (Sasha tombe), image d’autant plus forte car prématurée ; une déchirure incongrue, en plein milieu de la douceur estivale. C’est à partir de cette chute que le film s’étire, autour de l’absence de l’être aimé que Lawrence et Zoé tentent de contourner.
Ne s’apitoyant jamais, le réalisateur réussit à ne pas confondre la notion de deuil avec celle de mortification, en la considérant plutôt comme une excuse aux trajectoires et au mouvement. On suit en effet les deux personnages, dans leurs environnements respectifs, puis à nouveau réunis, dans un mouvement continuel : celui du voyage (signifié par les différents lieux visités et aussi par la dialectique de l’aller-retour, du départ-arrivée) et celui d’une fuite d’est (Berlin) en ouest (New York). Fuite du lieu où Sasha a disparu. Fuite qui, cependant, leur rappelle que l’absence ne disparaît pas. Le film lui même le leur dit, par la manière dont il est construit, en les piégeant dans des lieux que Sasha avait l’habitude d’emprunter (omniprésence des parcs), et dans cette même saison. L’été, qui, de façon peu naturelle, n’en finit plus. L’été qui revient à la manière d’un motif, celui du deuil et de la stagnation. Néanmoins, Hers a une manière reposée d’accueillir les choses ; si bien que, pour la première partie du moins, sans jamais nous endormir, il nous berce dans un été non pas inquiétant, mais bienveillant, où les émotions prennent le temps de grandir en nous pour finir par saisir délicatement la juste part de tristesse.
Les deux protagonistes, portés par deux acteurs (Anders Danielsen Lie et Judith Chemla) au jeu simple et fin, assommés par le poids de la perte, reconstruisent petit à petit leurs vies suspendues, dans un rapport à l’autre maladroit et touchant. Car si le film ne tombe pas à plat, c’est grâce à la minutie avec laquelle il ausculte la vulnérabilité de l’humain, et ce qu’il lui faut « d’être ensemble » pour tenir debout.
Si Mikhaël Hers fait avancer son film dans une belle lenteur, presque somnolente, alternant doucement entre deux trajets entrecoupés, il s’épuise cependant à vouloir accompagner trop longtemps ses personnages dans un sentiment qui devient, dans la deuxième partie, nostalgique.
Nostalgie lissée et déjà vue lorsqu’assimilée à la saison estivale, qui survient à un moment où l’on commence à s’ennuyer par la redondance du système établi. Là où il montre que la vie continue, le film aurait peut être dû s’arrêter.

mikmikmik
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le 19 févr. 2016

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