Très librement inspiré du Journal d'Une Femme de Chambre d'Octave Mirbeau , Célestine … Bonne à Tout Faire se situe dans la première moitié de la pléthorique carrière de Jess Franco. Réalisé sous le pseudonyme de Clifford Brown, le metteur en scène doit déjà être autour de son 50ème long métrage avec cette comédie paillarde, polissonne, franchouillarde et légèrement débile mais au combien réjouissante et peut être même pas aussi futile qu'elle en a l'air.
Célestine c'est le nom d'une jeune prostituée qui doit s'enfuir d'une maison close pour éviter une arrestation après une descente de police. A moitié nue elle trouve refuge dans une immense propriété bourgeoise ou elle se fait engager comme bonne à tout faire grâce à la complicité du jardinier et du majordome et de quelques galipettes dans la paille. Célestine va bien vite offrir ses services et ses charmes à toute la maison .
Célestine … Bonne à Tout Faire est un joyeuse comédie érotique et paillarde qui se situe dans la grande tradition du vaudeville et du théâtre de boulevard à l'image d'une séquence amusante ou tous les amants de la brave Célestine se retrouvent dans la chambre de la demoiselle à laquelle ils sont tous venus réclamer du plaisir. Bien loin de l'amant dissimulé dans le placard, la chambre n'offre ici pas assez de rideaux, de paravents et de cachettes pour dissimuler tout le monde. Il faut dire que Célestine à la mœurs légère et le plaisir facile et elle offrira ses charmes et son expérience au jardinier éjaculateur précoce surnommé Rapido, au majordome obsédé aux allures de gros nounours, à la gouvernante lesbienne coincée, au fiston philosophe et inexpérimenté, à la cousine jeune et prude oie blanche, à monsieur le conte frustré par la pudibonderie de sa compagne et même au grand père à la biroute en berne mais amateur pervers de littérature cochonne. Dans la paille ou dans les chambres et les salons bourgeois les occasions de faire des galipettes et des cochonneries sont donc nombreux pour notre bonne qui ne rechigne jamais à la tâche. L'érotisme est ici joyeusement paillard et léger et les nombreuses étreintes sont filmés comme de purs moments de comédies avec chevauchées fantastiques, grimaces et rire pervers, agitation frénétique des pieds lors des parties de jambe en l'air le tout souvent rythmé par des bruitages débiles de ressorts qui font schtonkkk !! , de matelas qui grincent et d'une ritournelle ultra répétitive et agaçante à la Benny Hill. De la fesse joyeuse grivoise et libertaire dans une ambiance délicieusement bordélique qui transpire la bonne humeur et la légèreté à tel point que les acteurs et actrices semblent parfois sourire de leurs propres cabotinage. Alors oui tout ceci est très con, caricaturale et gratuit à l'extrême avec les trois quart du casting qui jouent comme des patates mais le film ne se regarde jamais avec la mine déconfite de la consternation mais plutôt avec le sourire idiot du ravi de la crèche.
Dans le rôle de Célestine on retrouve celle qui deviendra la muse et compagne du réalisateur Lina Romay a qui le réalisateur offre ici un très joli rôle de femme à l'impudeur incandescente et aux charmes totalement irrésistibles. L'actrice qui se trimbale nue avec le même naturel que l'on va faire ses course en short un samedi de canicule s'avère également très à l'aise dans la comédie avec ses grands yeux pétillants, ses moues expressives et son sourire enjôleur. Et si tout ceci n'était pas encore suffisant pour vous séduire, l'actrice parviendrait même à nous émouvoir avec un simple regard bouleversant et empli de mélancolie vers la toute fin du film. Produit par Le Comptoir du Film Français (sûrement un peu celui du bistrot aussi), grand pourvoyeur de petit films d'exploitations français avec Eurociné, Célestine … Bonne à Tout Faire permet de retrouver tout ce qui se fait de plus croustillant dans le bis francophone de l'époque avec bien sûr Howard Vernon en pervers pépère avec un bonnet de nuit vissé sur la tête, Olivier Mathot (Draguse Le Manoir Infernal) en conte surnommé Langue de Velours par les prostituées, Henri Guégan (OSS 117 – Coplan – Vivre pou Survivre) en gigolo et souteneur ; mais aussi Pamela Stanford (Morgane et ses Nymphes – Terreur Cannibale – Helga la Louve de stinberg ), Monica Swinn ( Draguse – Les démoniaques) et Catherine Lafférière (Les possédées du Diable – Sexorcisme). Cerise sur la gâteau , Jesus franco s'offre une courte apparition en quidam qui voit passer les deux charmantes prostituées quasiment nue dans sa chambre lors de leur fuite et qui en conclut éberlué qu'il doit vraiment penser à arrêter de boire.
Derrière la légèreté de cette grosse pantalonnade franchouillarde se cache non pas un grand message philosophique mais une certaine ode à la liberté et au libertinage agrémenté d'un bien bel hommage aux filles à la cuisse légère et aux prostituée. Car si Célestine va s'offrir à toute la maison , elle va aussi considérablement rétablir l'équilibre dans les frustrations sexuelles de ses différents occupants. Le jardinier deviendra un amant attentionné et endurant, le majordome obsédé trouvera du réconfort auprès de la gouvernante, le fiston inexpérimenté et la jeune oie blanche finiront par trouver le courage de s’acoquiner ensemble et surtout la chateleine frigide qui faisait l'étoile de mer en joignant les mains pour prier lors des assauts de son époux deviendra bien plus frivole offrant à monsieur suffisamment de plaisirs pour qu'il n'aille plus voir ailleurs. Une sorte de thérapie globale pour la joyeuseté du rapport sexuel que le personnage de Célestine portera fièrement à travers un très formidable dialogue qui fait office de véritable professions de foi : "J’aime tout le monde, j’aimerais faire l’amour avec l’humanité toute entière, les faire jouir tous, les poètes et les musiciens un peu fous, les hommes politiques graves et les clowns, les moines et les évêques, les rois, les voleurs et les mendiants, les condamnés à mort et leurs bourreaux, tous, tous !" . Le film s'amuse aussi à opposer la pudibonderie catholique de façade de cette communauté bourgeoise à ce qu'ils font dans le secret des chambres de bonnes , le film reprend d'ailleurs la mécanique de comédie d'une des séquence culte du film Une Vierge chez Les Morts Vivants avec une longue prière que les différents intervenants ponctuent de Amen monocordes balancés n'importe comment et toutes les trente secondes. On pourrait accuser parfois Jess Franco et sa filmographie d'être des représentants d'une certaine image réductrice et purement sexuelle des femmes, mais avec ce Célestine ... Bonne à Tout Faire le réalisateur redonne surtout les plus beaux titres de noblesse à ce que certains abrutis appellent vulgairement des salopes et qui ne sont que de formidables pourvoyeuses de plaisirs et de joie de vivre. Une approche épicurienne et libertaire de la vie dont la femme est incontestablement la seule divinité entre toutes à vénérer et respecter.
Je n'attendais rien de plus de Célestine … Bonne à Tout Faire qu'une grosse comédie grivoise et débile et le film rempli largement son contrat. La vraie surprise en revanche c'est cette ode aux plaisirs charnelles et à la fesse joyeuse capables d'apaiser bien des maux de nos sinistres vies. De films en films je suis en train de tomber de plus en plus amoureux de Lina Romay.