On ne va pas se mentir, quand on s'attaque à un remake turc d'un classique de cinéma américain c'est plus dans l'espoir d'y découvrir un joyeux nanar mal foutu qu'un bon film. Pourtant, bien loin des inénarrables Turkish Star Wars, Turkish E.T., Turkish Superman, Turkish Mad Max ou Turkish Jaws, ce Turkish Death Wish intitulé Cellat ou The Executionner est une relative bonne surprise. Il est vrai que niveau budget il est sûrement plus confortable de s'attaquer à un remake d'un film comme Un justicier dans la Ville de Michael Winner que d'un film comme La Guerre des Étoiles. Sorti en 1975 et réalisé par Memduh Un, Cellat est une agréable transposition de vigilante movie dans les rues d'Istanbul.
Le film raconte donc l'histoire d'un type bien ordinaire qui travaille dans un cabinet d'architectes. Après que sa femme et sa sœur se soient faites violées par trois voyous, ce qui provoquera à posteriori la mort des deux jeunes femmes et que la police s'avère impuissante à trouver les coupables, l'homme décide d'arpenter les rues d'Istanbul la nuit à la recherches des responsables tout en nettoyant la ville des voyous et délinquants.
Les premiers instants de Cellat laisse entrevoir un possible nanar plutôt amusant le film essayant de souligner jusqu'à la caricature à quel point le héros est bon, généreux, humaniste et amoureux puis à quel point les trois voyous sont eux viles et méchants. On aura donc droit à une scène un peu kitschouille avec notre héros qui rit très fort avec sa femme, sa sœur et son beau frère autour lors d'un repas avant d'aller soigner un chien avec la patte cassée et de marcher dans le soleil couchant avec sa bien aimée tout en discutant sur la beauté du monde. A cet instant j'avais l'impression que l'acteur principal Serdar Gökhan avait du choisir entre le charisme et la moustache de Charles Bronson et qu'il avait opté pour la moustache. Mais le comédien finira par trouver ses marques et s'imposer plus tard dans le film avec même une certaine prestance à la fois froide et élégance. L'exposition des méchants est encore pire que celle des gentils avec trois grands dadais qui fument de la drogue, rigolent comme des possédés et font des sauts de cabris bourrés au Raki. C'est bien simple dans la première séquence ou ils agressent une vieille dame on est plus proche de Benny Hill que d'Orange Mécanique à tel point que je me demandais franchement comment le film allait aborder et retranscrire la scène pivot du viol tant il est des fautes de ton qui ressemblent parfois à s'y méprendre à d’impardonnables fautes de goûts. Et bien contre toute attente et mêmes si les trois méchants gesticulent et gloussent toujours autant, Memduh Un négocie parfaitement cette scène au combien difficile avec de la tension, de l'émotion et une violence sèche et inconfortable. Cette scène (volontairement ou pas) marque même un basculement pour le spectateur qui d'un coup n'aura plus vraiment envie de rire même si le film conservera par la suite deux trois amusantes maladresse. Plus froid, plus fermé le comédien Serdar Gökhan va se muer en une figure dure et impassible de justice sauvage et expéditive déambulant avec classe dans les ruelles et les rues d'Istanbul paré d'un impeccable trench-coat à la Delon dans Le Samouraï.
Une fois rentré dans sa logique de vigilante movie on suit donc notre justicier appliquer scrupuleusement, sans aucune distinction et sans procès la peine capitale à tous ceux qui croisent sa route en s'éloignant des lois. Après une courte tentative de rendre la justice avec une chaussette remplie de pièces de monnaie, notre justicier va finalement opter pour un bon gros pétard bien plus pratique et sérieux. Le film reprend forcément la trame d'Un Justicier dans la Ville y compris visiblement dans certains dialogues avec la touche exotique du décor et quelques spécialités locales comme une séquence de danse du ventre. Notre justicier va également s'avérer un poil plus sadique et imaginatif que son homologue américain n'hésitant pas à brûler, électrocuter, défenestrer tout en faisant sauter des rotules et en écrasant des mains à coups de briques. Le film est même relativement violent et sans complexe avec un héros qui n'hésite pas à menacer et cogner une jeune femme innocente qui vient pourtant tout juste de l'aider afin lui soutirer des informations sur les trois violeurs et meurtriers. Même si le film comporte encore quelques séquences qui feront sourire comme une très belle chute de mannequin en mousse ou une boucle musicale qui finit par amuser par sa répétition, Cellat s'impose comme une petite série B plutôt efficace et correctement mise en image.
Police partout, justice nulle part disait le slogan. Cellat s'inscrit dans cette grande famille internationale des justiciers expéditifs et sauvages qui envahissent le monde et les écrans depuis que la notion même de vengeance existe.