Censored voices déçoit tant sur la forme que sur le fond. Sur la forme, Mor Loushy, auteure du documentaire, tente de mettre en œuvre une progressivité des témoignages via le défilement des jours d’interview. Une mécanique factice qui convainc peu. Les personnes filmées ne sont pas celles dont nous entendons les enregistrements audio (ce fait n’est révélé qu’en fin de documentaire…). Souhaitons que ces figurants étaient conscients du procédé mis en œuvre qui leur fait porter les propos tenus par autrui… Cette façon de faire est très discutable et les quelques réactions lues sur les visages impassibles peuvent ne relever que du montage technique du documentaire !
Nous pouvons aussi nous interroger sur le fait que ces témoignages audio n’aient pas fait l’objet d’un enregistrement vidéo alors qu’en 1967 les moyens de filmage étaient courants. Enfin, signalons un titre et un synopsis quelque peu mensongers puisque moins d’un tiers des enregistrements entendus avaient été censurés par l’armée.
Sur le fond, seul le point de vue israélien est donné, jamais celui-ci n’est contrebalancé par des témoignages arabes. Le seul « contrepoids » est constitué par des soldats s’interrogeant (un peu) sur quel aurait pu être leur réaction s’ils avaient été dans le camp adverse. Le cas des réfugiés arabes n’est par exemple traité que le temps d’une unique et courte séquence. Les larmes sont celles des familles israéliennes et si les victimes arabes sont filmées, il n’est nullement fait cas de leur nombre et des déplacements de population qui n’avaient rien d’un épiphénomène.
L’une des dernières séquences de Censored voices montre des chars défilant prêts pour une prochaine guerre, une éventualité que ne vient pas démentir la conclusion de la plupart des témoignages. Pour leur majorité, leurs porteurs restent dans une désespérante logique guerrière. Malgré la caution de l’écrivain Amos Oz et d’images d’archives, Censored voices, documentaire unilatéral et fabriqué souffre de zones d’ombre voilant l’effet de contraste espéré avec le triomphalisme officiel de 1967.